A la loupe : Démographie (II) : l’enfance chinoise, entre orties et chardons

Au VdlC n°9, on voyait les vieux souffrir de manque de piété filiale. Mais en ce numéro, les jeunes donnent leur version des faits, dévoilant un fort conflit de génération. «Les parents sont un poison», disent 53% d’entre eux (selon le sondage Tencent d’août 2010). Tandis que selon le Journal de la jeunesse en juillet 2010, 60% des 20/40 ans vivent des conflits réguliers avec les parents, 8,9% des conflits permanents, et 1% ne se comprennent pas du tout.

La rébellion dénote un changement de personnalité chez l’enfant chinois, qui lui fait rejeter ses «devoirs» (héritage confucéen) envers les parents, le clan, l’Etat. La liste de leurs griefs est édifiante : en n°1, la violence des parents (coups, insultes); puis celle entre parents (très fréquente, jusqu’à 60% des couples); l’atteinte à l’intégrité du jeune, les parents ne respectant pas son intimité, ses choix d’études, de carrière, d’amour. Suivent enfin les offenses plus spécifiques au genre –discrimination et inceste.

Toutes ces agressions ou maladresses d’«amour rude» incitent des M de jeunes, parmi les 247M de – de 14 ans à fuguer, tenter le suicide, sortir en bande, se battre avec père et mère, et les faire chanter -spirale de comportements destructeurs et autodestructeurs, où l’Etat ne réagit pas.

Les tout-petits aussi souffrent de l’absence de l’Etat. Pour les 60M de 3 à 6 ans, il n’offre de places en maternelles qu’à 41%. Il n’y déverse qu’1,3% de son budget d’éducation, et donc ne subventionne rien. De ce fait, 90% des éducateurs sont sous-payés, et sous qualifiés.

Les enfants de migrants sont les plus à plaindre. S’ils sont restés au village, ils végètent entre grands-parents et maîtres (mal payés) dépassés: 80% ont des problèmes psychologiques. S’ils sont en ville, ils végètent dans des écoles privées médiocres, que les mairies font fermer—sans pour autant leur ouvrir les portes de leurs bonnes écoles.

L’école urbaine va mieux, aux nombreux collèges, lycées et universités modernes, souvent bien équipés. Elle rejoint lentement le niveau de qualité internationale, en dépit de problèmes hérités de la mainmise de l’Etat-Parti : formalisme pédagogique, bachotage, plagiat, nombreux suicides.

En matière de santé, la Chine s’enorgueillit d’un système de vaccination du nourrisson. Le gros problème surgit suite à la décision du ministère en 1999 de supprimer la spécialité de pédiatre. Tout ceci, à cause d’une clientèle pauvre (souvent de parents jeunes paysans), qui rapporte peu aux hôpitaux, à part esclandres et procès… Bilan : la Chine n’a plus que 61.700 pédiatres en 2008, soit 0,26/1.000, et les familles font couramment des centaines de km pour accéder au centre de soins.

Une des raisons de l’incurie est que les pouvoirs de l’État sur l’enfant sont disséminés entre nombreuses entités tels les ministères des affaires civiles, de la santé, de la sécurité publique et la Fédération des femmes. D’où un vide juridique, notamment face à la violence parentale, ou aux 200.000 kidnappings annuels. Aussi la promesse de Wen Jiabao de « protéger » les « chiens perdus sans collier », reste voeu pieux. Un ministère de l’enfance est à l’étude, seule chance de concevoir et de faire appliquer une politique cohérente : 1er espoir pour cette enfance chinoise, après ses années d’orties et de chardons !

Semaine prochaine, VldC n°11 : Troisième et dernier volet de cette enquête sur les âges de la société chinoise

 

 

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