Temps fort : ANP — Plenum muselé, clôture sans illusion

Le 14/03 face à la presse, un Wen Jiabao, fatigué, délivra la traditionnelle conférence de clôture du Plenum, dans une ambiance compassée : comme un «pensum» fastidieux auquel nul ne croyait, même lui.

Plus tôt, les 2987 députés avaient voté quasi unanimes un XII. Plan sans ouverture, même sur des sujets aussi bénins que la réforme judiciaire. Wu Bangguo, Président du Parlement, avait répété que jamais le régime ne laisserait «privatiser» l’Etat—c’était une fin de non-recevoir aux doléances de paysans qui espéraient un changement du droit du sol pour enrayer les expropriations abusives. De même, les sujets pointus étaient tabous, tel le sort de Zhao Lianhai, père d’un bébé contaminé à la mélamine, embastillé pour s’être trop mobilisé sur ce scandale.

Wen souligna qu’il restait encore «pour presque 2 ans» et que la réforme politique, «importante», devait se faire «graduellement». Parmi les -vagues- directions du plan : la croissance à « 7% » pour 2011 (objectif peu significatif, puisque dépassé chaque année), l’espérance de vie à « 74 ans et 6 mois», une réduction «aussi vite que possible» du fossé de revenu riches/pauvres, la convertibilité du ¥uan pour 2015 selon Mme Hu Xiaolian, vice-gouverneur à la Banque centrale, voire 2020 selon Xia Bin, conseiller spécial de la Banque.

Quant à l’inflation de 4,9% en février – mauvaise surprise-, Wen Jiabao la comparait à «un tigre qui, sorti de la cage, est dur à l’y faire retourner». Le fautif serait la politique américaine, avec sa planche à billets. Mais avec un dur travail, le 1er ministre n’avait aucun doute de pouvoir la contenir.

Une question sans doute plus intéressante a été le projet officiel de changer de modèle économique. Par un appareil assez conséquent de subventions, primes et baisses d’impôt (cf VdlC n°8), Pékin voudrait inciter les masses, surtout migrantes et paysannes à lâcher l’épargne pour consommer plus. Mais les observateurs financiers n’ont pas manqué de relever les nombreux « hic ». A commencer par le nécessaire lâchage des Grandes entreprises d’Etat et lobbies provinciaux. L’Etat est prêt à punir (bien légèrement) la spéculation, mais non les projets d’investissements publics que celle-ci nourrit, ni la politique des taux d’intérêt très bas, subvention invisible aux maîtres du jeu. Or, rappelle Michael Pettis, économiste à Beida, cette politique du crédit détourne au moins 5 à 7% du PIB des salaires vers les banques, laissant une « terre brûlée » dans les budgets des ménages – tout en finançant des projets de prestige non rentables, « vaches à lait » de ces administrations.

De même, réduire de 2,5 à 2% le déficit budgétaire de 2011, ne peut passer pour une aide à la consommation. Et pour chaque ville, interdire aux migrants l’achat d’un logement, sauf après cinq ans de résidence avec paiement des impôts et charges de sécurité sociale, tend au but contraire. Autrement dit, l’État central, sincère dans son projet d’intérêt général, se retrouve rapidement bloqué par ses lobbies, aux intérêts « égoïstes » contradictoires.

L’évidente haute main des conservateurs sur ce Plenum, est liée à la guerre de succession, où l’on sent moins d’antagonismes au sommet que les combats personnels des hauts cadres pour assurer leur promotion. L’électrochoc du printemps du jasmin a surgelé durant le Plenum députés et journalistes locaux, qui évitèrent les contacts avec la presse étrangère. Enfin à la veille de la clôture, la catastrophe au Japon (notre édito) ne fit rien pour détendre l’atmosphère. Mais répondre aux tensions de la base par un renfort de censure, n’est-il pas comme couper le circuit de refroidissement d’une centrale déjà chauffée à bloc ?

 

 

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