Le Vent de la Chine Numéro 10

du 21 au 27 mars 2011

Editorial : Chine-Japon – Fonte de réacteurs, dégel des relations ?

La  catastrophe  qu’affronte le Japon marque un virage  dans l’histoire mondiale. En terrorisant l’archipel, voire l’Asie entière, par leurs dégâts, le séisme de force 9, le tsunami, puis la fonte partielle de quatre réacteurs nucléaires, compromettent l’espoir mondial fondé sur une filière énergétique non carbonique – seule chance dans  l’état actuel des connaissances humaines, d’enrayer le réchauffement climatique. Plébiscitée comme énergie future, le nucléaire est un concept central de la mondialisation, qui doit à présent être révisé partout – y- compris en Chine.

D’ici 2016, la Chine veut bâtir 27 réacteurs de 1Gw, 40% du parc mondial neuf. En 2020, elle prévoit 70Gw (7x le parc actuel) et 100 réacteurs. Jamais un pays n’aura autant bâti, si vite ni en encourant de tels risques.

1er risque, le séisme: sur les 443 réacteurs sur Terre, 20% sont en zones sismiques d’activité significative (selon l’AIEA l’Agence Internationale de l’Energie Atomique). Mais les études de géomorphologie furent-elles faites sous de vraies normes de sécurité ? Curieusement, c’est d’un autre secteur, l’hydroélectricité que surgit le doute. Après le séisme de 2008 au Sichuan (87000 morts), des savants chinois et américains envisagèrent comme cause, le poids des 320Mt d’ eau du réservoir de Zipingpu construit quatre ans plus tôt sur une faille à 5.5 km de l’épicentre. Soupçon bientôt censuré, mais non dissipé. On le voit donc, non seulement les centrales nucléaires mais aussi hydroélectriques sont à risque. Or, le XII. Plan prévoit des dizaines de barrages, pour 140Gw de capacité – le double du parc total des USA…

2ème risque, la malfaçon. On imagine le désastre, si un tel accident était advenu en Chine sur un réacteur en mauvais béton ? L’hypothèse n’est pas absurde : la consolidation de milliers de barrages «de tofou» coûte ces dernières années des milliards de US$, et dans le réservoir des 3 Gorges et du Canal  Sud-Nord , l’échec apparent du retraitement des eaux causent toujours plus de soucis au pouvoir. Aussi suite aux accidents de Fukushima, Pékin impose (16/03) un moratoire sur les réacteurs nouveaux et fait réinspecter ses chantiers. Mais pas question de faire marche arrière sur les constructions. Xie Zhenhua (ministre de l’environnement), Liu Tienan (patron de l’Admin. Nationale de l’Énergie), promettent de tirer les leçons de l’affaire, mais rien d’autre. La Chine peut encore se permettre d’ignorer l’opinion dans ses projets d’équipement. En cas d’impopularité croissante du nucléaire sur son sol, il faudrait prévoir qu’elle accélère encore le programme, plutôt que de l’abandonner.

Cela dit, deux acteurs pourraient trouver dans cette crise des chances imprévues. Le 1er est le binôme français Areva-EDF. Avec la filière Mitsubishi-Westinghouse, il partage la même famille des réacteurs à eau légère, mais son outil offre l’avantage d’un  double circuit d’eau : 2de chance face à une catastrophe naturelle, de prévenir la fonte du coeur nucléaire, ce qui est un atout sur la technologie américaine, désormais affligée d’un terrible ratage.

Le 2d bénéficiaire pourrait être la relation sino-japonaise. On remarque un revirement de la Chine, troquant la critique acerbe pour la compassion et la solidarité. Après avoir dépêché 15 secouristes, le ministre chinois de la défense propose «les moyens nécessaires». La presse (jamais vraiment spontanée sur le Japon, sujet sensible) décrit un élu «fondant en larmes » suite au malheur du voisin nippon et enchaîne les éloges sur la discipline impeccable de la population et des secours, forçant l’admiration !

A ce revirement, deux raisons s’imaginent. Pékin pourrait vouloir prouver un genre de « supériorité morale » – sa capacité à rétablir des relations normales en passant enfin l’éponge sur le massacre de Nankin de 1937, quoique Tokyo ne s’en soit jamais excusé de façon acceptable. Et surtout, il sait bien qu’il aurait bien du mal à survivre à la disparition de son principal bailleur de technologie. Le rejet de l’autre était un jeu stalinien (vieux truc). Mais la croissance, et la protection de ceux qui la pourvoient, c’est une autre chose, et elle est sacrée : au moment du drame, au pied du mur, on ne joue plus. 

 

 


A la loupe : Bien visibles à l’ANP : les grandes fortunes

Au Plenum de l’ANP (Assemblée Nat’le Populaire), un chiffre eut un long écho dans les travées, parmi les 2987 édiles : les 70 plus riches d’entre eux combinaient une fortune de 75MM$ – ils étaient donc tous quasi-milliardaires en USD… Les 38 les plus nantis dépassaient même le 1er nabab du Congrès américain (un « pauvre », avec seulement 485M$). Selon R. Hoogewerf, l’expert traqueur de tycoons, la Chine compte cette année 189 milliardaires en USD – et plus certainement 400, en comptant les fortunes cachées.

Ces fortunes tournent sur leur grande roue. Certaines disparaissent. D’autres gonflent de 50% sur une année —tel celle de Zong Qinghou, l’actuel n°1, magnat de Wahaha (n°3 des eaux et du lait) qui passe à 12MM$. Toujours dans la brume quant à l’origine de leur fortune, ces businessmen sont le levain de la croissance chinoise. Leur interaction avec le Parti est visible au grand jour -ils en sont souvent membres. Ils marquent l’éclatante réussite du Parti, dans son projet d’interpénétrer et coopérer avec cette haute bourgeoisie nouvelle: pour partager le pouvoir économique, tout en conservant le monopole du politique.

Pour le commerce de luxe, ils sont la nouvelle manne. De 15 ans plus jeunes que la fortune mondiale moyenne, ils dépensent plus. En bons confucéens, ils font plus d’achats «petits cadeaux», pour leurs familles et (petites) ami(es).

Fait surprenant, ces milliardaires sont aussi des «elles», plus présentes dans ce microcosme que sur l’arène politique, peut-être le dernier club « macho » chinois. 29% des PDG privés sont des femmes, telle Yang Mianmian, Présidente de Haier, citée par Fortune Magazine parmi les 20 femmes les plus influentes au monde.

Grâce à eux, dit McKinsey, le luxe en Chine augmente ses ventes de 18%/an, pour des groupes tels Ferragamo ou Louis Vuitton, devant dépasser le Japon en 2015 avec 27MM$. On voit parfois chez ces riches comme un mal à assumer leur fortune. Ainsi Gan Lianfang, au salaire pourtant minus de 3000²/mois, supplia, lors du Plenum, le fisc de le taxer plus, pour éradiquer la pauvreté en Chine.

Zong Qinghou ne le suit pas du tout. La solution, pour lui, est ailleurs: « les pauvres n’ont qu’à travailler plus ». Fidèle à son principe, Zong a d’ailleurs refusé, par «manque de temps», d’assister à un gala de charité, organisé en septembre à Pékin, par Bill Gates et Warren Buffett. Par contre, durant le Plenum, il ne s’est pas privé d’attirer les projecteurs sur ses prochaines emplettes, source de sa fortune future : un groupe nippon du yaourt, des mines, des supermarchés à travers le monde…

Ex-1ère fortune de Chine en 2007 avec 6,3MM$, Huang Guangyu, fondateur de Gome, 2d groupe de distribution de l’électroménager n’a pas pu siéger, étant en prison depuis 2009 pour corruption et délit d’initié. Après sa chute, Gome avait été maintenu à flot par son bras droit Chen Xiao, et recapitalisé de 10% par Bain Capital : alliance qui fit bientôt de l’ombre à Huang (s’ajoutant à celle dans laquelle il croupissait), et qu’il ne tarda pas à combattre. Huang avait perdu ses droits civiques, mais non ses 32% de parts dans Gome : il vient de réaliser le tour de force de contraindre Chen à la démission. Preuve qu’en Chine, sans aller jusqu’à racheter la liberté, l’argent permet d’allonger les bras des milliardaires, bien au-delà des barreaux d’une cellule !

 

 


Joint-venture : Histoire de lait qui tourne – l’affaire Yoplait / Bright

Au même moment se concluent deux affaires impliquant des groupes laitiers chinois. L’une en France, l’autre en Mongolie Intérieure (cf rubrique étranger). Sans lien évident. Mais au 2d regard, l’issue en France, eût pu être toute différente, si les laitiers de Chine avaient eu meilleure image !

Yoplait/Bright Après des mois de tergiversations, la coopérative laitière française Sodiaal se remarie, suite au départ de son partenaire, le fonds PAI: pour 800M², General Mills (US) emporte 51% de Yoplait, 1300 employés, n°2 mondial du yaourt. Il bat 15 candidats tels Lala (Mexique), Bel et Lactalis le grand rival, qui entraîne d’ailleurs dans sa chute Nestlé, longtemps favori – ces deux maisons ayant en France une JV. Les 15000 coopérateurs étaient sous la hantise de «remettre les clés indirectement à Lactalis».

Mais le grand perdant, c’est Bright le géant laitier shanghaïen (cf VdlC n°8) qui avait fait des efforts énormes en sa tentative de percée européenne. Il offrait 875M² renonçait à la majorité et ne briguait que le partage des profits, et l’expérience du groupe. Les coopérateurs qui livrent à Yoplait 20% de leur traite, 2MMl/an, cherchaient un partenaire sûr. Pour eux, Bright ne répondait pas au critère.

L’affaire fait penser à d’autres célèbres tentatives de rachat chinois surcoté, boudées par l’étranger. Telle celle du pétrolier US Unocal pour lequel le chinois Cnooc (China National Off-shore Oil Corp.) offrait 18,5 MM$ en 2005 – le Congrès américain avait dit «non» et laissé Chevron racheter le «compatriote» à prix sensiblement moindre. Dans ce refus jouait le déficit d’image, et l’aspect chez Unocal, d’un «fleuron national». Comme chez Yoplait !

 

 


A la loupe : Démographie (II) : l’enfance chinoise, entre orties et chardons

Au VdlC n°9, on voyait les vieux souffrir de manque de piété filiale. Mais en ce numéro, les jeunes donnent leur version des faits, dévoilant un fort conflit de génération. «Les parents sont un poison», disent 53% d’entre eux (selon le sondage Tencent d’août 2010). Tandis que selon le Journal de la jeunesse en juillet 2010, 60% des 20/40 ans vivent des conflits réguliers avec les parents, 8,9% des conflits permanents, et 1% ne se comprennent pas du tout.

La rébellion dénote un changement de personnalité chez l’enfant chinois, qui lui fait rejeter ses «devoirs» (héritage confucéen) envers les parents, le clan, l’Etat. La liste de leurs griefs est édifiante : en n°1, la violence des parents (coups, insultes); puis celle entre parents (très fréquente, jusqu’à 60% des couples); l’atteinte à l’intégrité du jeune, les parents ne respectant pas son intimité, ses choix d’études, de carrière, d’amour. Suivent enfin les offenses plus spécifiques au genre –discrimination et inceste.

Toutes ces agressions ou maladresses d’«amour rude» incitent des M de jeunes, parmi les 247M de – de 14 ans à fuguer, tenter le suicide, sortir en bande, se battre avec père et mère, et les faire chanter -spirale de comportements destructeurs et autodestructeurs, où l’Etat ne réagit pas.

Les tout-petits aussi souffrent de l’absence de l’Etat. Pour les 60M de 3 à 6 ans, il n’offre de places en maternelles qu’à 41%. Il n’y déverse qu’1,3% de son budget d’éducation, et donc ne subventionne rien. De ce fait, 90% des éducateurs sont sous-payés, et sous qualifiés.

Les enfants de migrants sont les plus à plaindre. S’ils sont restés au village, ils végètent entre grands-parents et maîtres (mal payés) dépassés: 80% ont des problèmes psychologiques. S’ils sont en ville, ils végètent dans des écoles privées médiocres, que les mairies font fermer—sans pour autant leur ouvrir les portes de leurs bonnes écoles.

L’école urbaine va mieux, aux nombreux collèges, lycées et universités modernes, souvent bien équipés. Elle rejoint lentement le niveau de qualité internationale, en dépit de problèmes hérités de la mainmise de l’Etat-Parti : formalisme pédagogique, bachotage, plagiat, nombreux suicides.

En matière de santé, la Chine s’enorgueillit d’un système de vaccination du nourrisson. Le gros problème surgit suite à la décision du ministère en 1999 de supprimer la spécialité de pédiatre. Tout ceci, à cause d’une clientèle pauvre (souvent de parents jeunes paysans), qui rapporte peu aux hôpitaux, à part esclandres et procès… Bilan : la Chine n’a plus que 61.700 pédiatres en 2008, soit 0,26/1.000, et les familles font couramment des centaines de km pour accéder au centre de soins.

Une des raisons de l’incurie est que les pouvoirs de l’État sur l’enfant sont disséminés entre nombreuses entités tels les ministères des affaires civiles, de la santé, de la sécurité publique et la Fédération des femmes. D’où un vide juridique, notamment face à la violence parentale, ou aux 200.000 kidnappings annuels. Aussi la promesse de Wen Jiabao de « protéger » les « chiens perdus sans collier », reste voeu pieux. Un ministère de l’enfance est à l’étude, seule chance de concevoir et de faire appliquer une politique cohérente : 1er espoir pour cette enfance chinoise, après ses années d’orties et de chardons !

Semaine prochaine, VldC n°11 : Troisième et dernier volet de cette enquête sur les âges de la société chinoise

 

 


Argent : Histoire de lait qui tourne – l’affaire Mengniu / Yili

Mengniu/Yili An Yong, 33 ans, chef-produit du lait maternisé chez Mengniu (n°1 nat’l) est condamné à Hohhot à 10 mois de prison avec sursis. N°2 de BossPR, agence pékinoise de relations publiques Mme Xiao en prend pour 1 an avec sursis. Quatre actifs des deux maisons prennent de 3 mois à 175 jours, fermes : pour avoir mené une campagne internet contre le lait maternisé de Yili, le n°2, ex-employeur d’An Yong.

La cabale était de très bas niveau moral, colportant l’allégation sciemment fausse que le lait de Yili faisait pousser des seins aux fillettes. Certains des auteurs posaient en femmes enceintes, d’autres en parents éplor. La campagne avait coûté 280.000¥. 100 portails, 5000 groupes internet furent contaminés par le mensonge. Yili n’avait pu limiter les dégâts d’image qu’en réagissant vite, confiant l’enquête à une agence de détectives et en portant plainte.

‘ Dans cette affaire sordide opposant deux groupes-frères de la région mongole, la justice a réagi en cinq mois, temps de latence bref pour la Chine – pour couper court à ce 3ème scandale laitier en trois ans, qui retarde la convalescence d’image du lait chinois. On note quand même que les deux chefs-corbeaux de la triste affaire, obtiennent le sursis. Contrairement aux exécutants qui eux, sont en prison.

 

 


Pol : Au Conseil de Sécurité de l’ONU : le tournant

Le 17/03 au Conseil de Sécurité de l’ONU à New York, la Chine a laissé voter la Résolution 1973, permettant des frappes aériennes sur les forces libyennes.

La Chine n’aimait pas. Elle aurait pu imposer son veto.

Elle s’en est abstenue, démontrant ainsi une maturation rapide, en matière de partenariat diplomatique mondial.

 

 


Temps fort : ANP — Plenum muselé, clôture sans illusion

Le 14/03 face à la presse, un Wen Jiabao, fatigué, délivra la traditionnelle conférence de clôture du Plenum, dans une ambiance compassée : comme un «pensum» fastidieux auquel nul ne croyait, même lui.

Plus tôt, les 2987 députés avaient voté quasi unanimes un XII. Plan sans ouverture, même sur des sujets aussi bénins que la réforme judiciaire. Wu Bangguo, Président du Parlement, avait répété que jamais le régime ne laisserait «privatiser» l’Etat—c’était une fin de non-recevoir aux doléances de paysans qui espéraient un changement du droit du sol pour enrayer les expropriations abusives. De même, les sujets pointus étaient tabous, tel le sort de Zhao Lianhai, père d’un bébé contaminé à la mélamine, embastillé pour s’être trop mobilisé sur ce scandale.

Wen souligna qu’il restait encore «pour presque 2 ans» et que la réforme politique, «importante», devait se faire «graduellement». Parmi les -vagues- directions du plan : la croissance à « 7% » pour 2011 (objectif peu significatif, puisque dépassé chaque année), l’espérance de vie à « 74 ans et 6 mois», une réduction «aussi vite que possible» du fossé de revenu riches/pauvres, la convertibilité du ¥uan pour 2015 selon Mme Hu Xiaolian, vice-gouverneur à la Banque centrale, voire 2020 selon Xia Bin, conseiller spécial de la Banque.

Quant à l’inflation de 4,9% en février – mauvaise surprise-, Wen Jiabao la comparait à «un tigre qui, sorti de la cage, est dur à l’y faire retourner». Le fautif serait la politique américaine, avec sa planche à billets. Mais avec un dur travail, le 1er ministre n’avait aucun doute de pouvoir la contenir.

Une question sans doute plus intéressante a été le projet officiel de changer de modèle économique. Par un appareil assez conséquent de subventions, primes et baisses d’impôt (cf VdlC n°8), Pékin voudrait inciter les masses, surtout migrantes et paysannes à lâcher l’épargne pour consommer plus. Mais les observateurs financiers n’ont pas manqué de relever les nombreux « hic ». A commencer par le nécessaire lâchage des Grandes entreprises d’Etat et lobbies provinciaux. L’Etat est prêt à punir (bien légèrement) la spéculation, mais non les projets d’investissements publics que celle-ci nourrit, ni la politique des taux d’intérêt très bas, subvention invisible aux maîtres du jeu. Or, rappelle Michael Pettis, économiste à Beida, cette politique du crédit détourne au moins 5 à 7% du PIB des salaires vers les banques, laissant une « terre brûlée » dans les budgets des ménages – tout en finançant des projets de prestige non rentables, « vaches à lait » de ces administrations.

De même, réduire de 2,5 à 2% le déficit budgétaire de 2011, ne peut passer pour une aide à la consommation. Et pour chaque ville, interdire aux migrants l’achat d’un logement, sauf après cinq ans de résidence avec paiement des impôts et charges de sécurité sociale, tend au but contraire. Autrement dit, l’État central, sincère dans son projet d’intérêt général, se retrouve rapidement bloqué par ses lobbies, aux intérêts « égoïstes » contradictoires.

L’évidente haute main des conservateurs sur ce Plenum, est liée à la guerre de succession, où l’on sent moins d’antagonismes au sommet que les combats personnels des hauts cadres pour assurer leur promotion. L’électrochoc du printemps du jasmin a surgelé durant le Plenum députés et journalistes locaux, qui évitèrent les contacts avec la presse étrangère. Enfin à la veille de la clôture, la catastrophe au Japon (notre édito) ne fit rien pour détendre l’atmosphère. Mais répondre aux tensions de la base par un renfort de censure, n’est-il pas comme couper le circuit de refroidissement d’une centrale déjà chauffée à bloc ?

 

 


Petit Peuple : Dalian – une aventure d’agronomes en herbe

Chez la jeunesse chinoise plus que chez toute autre, les jeux virtuels font des ravages et gagnent chaque année des millions d’accros irréductibles. A la base, il y a le désarroi fondateur de toute adolescence, la quête du moi profond et de sa voie d’avenir. Pour se trouver et se dépasser, les jeunes cherchent à échanger entre eux sous pseudo, sans risque, fuyant un monde terne, stérilisé par la promiscuité des mégapoles, l’autoritarisme bien pensant d’une société harmonieuse.

C’est ce terreau mental qui déclancha l’aventure de deux jeunes migrants à Dalian, dans le Liaoning. En 2010, Zhao Chang et Tang Hong s’étaient lancés dans «happy farming», jeu en ligne, qui leur rendait le monde rural qu’ils venaient de quitter, et dont ils se languissaient quelque part.

Mais ce que ce jeu offrait était bien mieux que leur pauvre hameau d’enfance. Ultra mécanisée à travers de grasses plaines étirées à l’in-fini, son agriculture les promouvait au rang d’agronomes et d’investisseurs. Aux manettes d’engins rutilants bourrésad’électronique, Zhao et Tang labouraient et semaient, irriguaient et traitaient, faisaient des rondes pour se protéger des rapines des voisins. Par camions entiers, ils vendaient leurs récoltes sur les marchés à terme et réinvestissaient en machines ou parcelles, arrondissant leurs domaines…

Voisins, Zhao et Tang étaient les meilleurs amis. Au début, ils laissaient ouvertes les portes et à travers le palier, se criaient les trucs qu’ils découvraient, une grêle proche, tel blé à haut rendement. Tous les soirs après le turbin, ils jouaient. Ils avaient conclu un bizarre pacte de non-agression: de ne pas se voler leur grain. Moyennant quoi ils s’étaient échangés leurs comptes et codes d’accès.

Advint la Fête Nationale : durant 3 jours et 3 nuits, ce fut une débauche de culture non stop, avec leurs écrans pour champs et leurs souris pour tracteurs. Et c’est là que tout craqua, entre ces jeunes en fait si différents. Autant Zhao était calme, posé et sainement sceptique envers l’univers, autant Tang était impulsif et nerveux, avide, tombant dans tous les panneaux par impatience. Zhao réussissait grâce à son caractère minutieux et désintéressé aux résultats. Tang perdait en brusquant les choses comme si sa vie en dépendait. De la sorte, au bout des 3 jours, les gerbes de Zhao étaient lourdes de blé splendide, mais les épis de Tang jaunissaient, dépérissaient.

Porte fermée, mauvais perdant, Tang grommelait contre l’injustice du ciel : il faudrait se faire justice soi-même, et récupérer chez Zhao «sa» récolte… Et comme ce fourbe s’obstinait à rester en ligne jour et nuit, il faudrait passer aux grands moyens :

Au 4ème jour à 5h du mat’, sur le palier à pas de loup, il coupa le courant de l’insolent. Puis retournant en hâte à son ordinateur, il lui faucha 10 quintaux – le tiers de sa récolte, max. autorisé par 24h. Le lendemain, il refit la manoeuvre. Au 6ème jour à l’aube, il allait enfourcher le reste, achevant ainsi sa «réappropriation populaire», quand il fut cloué sur place devant le disjoncteur par la voix moqueuse dans son dos : « et qu’est-ce que tu crois que tu vas faire ? »

La suite aurait pu virer au pugilat, dans la haine ardente que libèrent les trahisons. Zhao arborant un sourire d’une gentillesse improbable, face à un Tang désespéré, le dos au mur. Mais il n’en fut rien. Très classe, Zhao se borna à lui remontrer qu’il avait failli à trois reprises griller sa carte-mère. Le reste, il s’en f..tait : ces 20 quintaux détournés, n’existaient que dans sa tête (à Tang). Seule l’amitié comptait, et comme le sel aux bêtes, elle était vitale aux hommes. «Allez, on oublie ça! », conclut-il, en tendant la main.

Main que l’autre, ravalant sa honte et ses larmes, sut saisir avec gratitude, tout en se promettant de jouer moins à l’avenir, et de retenir la leçon jusqu’à la fin de ses jours, « même quand il n’aurait plus de dents » – 没齿不忘 – (mò chǐ bú wàng).

 

 


Rendez-vous : A Pékin, Les Salon du pétrole, gaz, gaz naturel et gaz offshore

22-24 mars Shanghai : Salon asiatique du revêtement de sol

22-24 mars, Pékin : CIO OE, Salon du pétrole et gaz offshore

22-24 mars, Pékin : CIPE CIPPE, Salons sur le stockage et le transport de pétrole et de gaz, et technologies pétrochimiques

22-24 mars, Pékin : EXPEC, Salon des équipements contre les risques d’explosion

23-31 mars, Pékin: NGV China, Salon du gaz naturel et stockage

25-27 mars, Pékin : China MED, Salon des équipements et instruments médicaux