En 8 jours (4-12/01), Li Keqiang visite Espagne, Allemagne et Royaume-Uni : mission à deux vitesses, entre une Europe du Sud à fort taux de chômage et hyper endettée et celle du Nord qui espère encore négocier d’égal à égal.
A Madrid, Li a été accueilli comme le messie, offrant pour 7,5MM$ de contrats dont 7,1 payés par le pétrolier Sinopec qui finance son homologue Repsol pour accélérer ses explorations au Brésil. Li aurait aussi promis l’achat de 6MM$ de bons de l’Etat ibérique. Tout comme, en novembre, Hu Jintao promettait à Lisbonne des achats de bons du trésor (4 à 5MM²), en octobre Wen Jiabao le faisait à Athènes, qui vient (8/01) de vendre un volume (inconnu) de sa dette à un acheteur (anonyme).
Ce qui pose un problème, soulevé par la Tribune en France. Pékin détiendrait déjà 630MM² de dettes des 27 États Membres, soit 7% de la dette publique de la zone euro (28% de celle détenue hors de l’Union), presque autant que ses 907MMUSD de bons du trésor américain.
En échange, elle pose des exigences discrètes, mais exorbitantes. De tous ses débiteurs, Pékin réclame l’abandon de toute pression à la revalorisation du yuan, et l’«ouverture de leurs marchés», notamment au rachat de places technologiques -sans réciproque. Or, Pékin, depuis 2 ans, multiplie ce genre d’emplettes de bijoux industriels en MM$ : le port du Pirée par Cosco, Volvo par Geely, 500M² d’investissement industriel chinois autour de l’aéroport de Châteauroux, l’aéroport de Parchim en Allemagne (par un investisseur privé, puis Xiamen Airport)…
A Bruxelles, le Commissaire A. Tajani tente de créer un instrument communautaire de supervision, pour la cession d’actifs nationaux majeurs. Mais l’actuelle Europe atomisée en 27 nations, assistée par la Chine, ne peut dire non. Les Européens risquent de découvrir amèrement, un peu tard, le véritable prix pour ce financement chinois d’un mode de vie non viable !
A Berlin, les choses vont autrement. Comme à Paris en novembre, pas question de cession de dette nationale (la Chine avait offert à l’allié français pour 16MM² de contrats commerciaux). L’Allemagne est le poids lourd des échanges sino-européens, avec 94MM² de commerce dont 40% à l’export en 2009. A Berlin, Li a signé pour 8,7MM² de contrats, dont près de 50% en import de Mercedes et de VW. W.Bruederle (ministre économie et finances) lui a aussi réitéré la demande pressante de ne pas étrangler l’export chinois de terres rares, soumis ce trimestre à un quota de – 33%.
L’essentiel de cette visite est peut-être finalement ailleurs. Pour Li, c’est l’occasion de se faire en Europe des alliés précieux—de rattraper son retard diplomatique sur Xi Jinping, son futur patron. En parlant directement avec JL. Zapatero, A. Merkel et D. Cameron, il a aussi la chance de dissiper un climat tendu ces derniers mois avec l’Europe, notamment lors du désastreux Sommet Sino-Union Européenne d’octobre, où les partenaires ne s’étaient entendus sur rien. L’arrivée à Pékin d’un nouvel ambassadeur européen, Markus Ederer, pourrait aider à débloquer les palabres pour le prochain accord de partenariat, supposé encadrer toutes coopérations pour 20 ans, mais qui achoppe depuis deux ans à des difficultés redoutables…
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