A la loupe : « Chicha » chinoise sur l’Egypte

A la terrasse de cet hôtel d’Assouan (Haute Egypte), un « touriste » déambule et discute sur son portable en mandarin : livraison, assurance crédit, SAV… Autour de lui, les autres clients du lieu sont également tous Chinois, et tous en train de surfer sur leurs ordinateurs portables ou iPhones… Les affaires n’attendent pas !

La Chine débarque en Égypte. Le commerce a doublé depuis 2006 à 6,24MM$ (2008). 1079 firmes célestes y ont investi 0,5MM$ et les résidents seraient plus de 100.000. Les derniers arrivants sont les démarcheurs, offrant au porte-à-porte la camelote made in China moitié moins cher que celle des souks, ce qui menace de mort l’artisanat local. Chemises, chaussures, voire les téléphones portables du sud chinois dont G’Five Int’l exporte 1,5 million par mois, entre Inde et Proche Orient, Égypte en tête.

Méthodique, la Chine occupe progressivement les sites stratégiques. La TEDA de Tianjin installe 23 usines dans une zone industrielle aux portes de Suez (200M$ d’investissement), et garde ainsi un oeil sur le trafic du Canal. Au Caire, en reprenant pour une bouchée de pain le Parc des Expos & Conférences, elle obtient une vitrine pour ses exports, rayonnant sur la façade nord de l’Afrique.

D’autres projets plus ambitieux suivent, telle la centrale nucléaire de Al-Dabaa, 1000Mw, qui doit être suivie de 3 autres d’ici 2025. Areva serait le mieux placé, mais la Corée (qui vient de lui souffler un contrat crucial au Brésil) et la chinoise CNNC (China National Nuclear Corporation) sont sur les rangs, avec pour atout un prix cassé, une technologie vieillotte mais fiable, et surtout le financement (garantie d’Etat), auquel commencent à peiner les groupes européens. Vinci et Bouygues achèvent en JV avec 2 groupes égyptiens, 2 phases de la ligne 3 du métro du Caire, mais se résignent à voir «sous 10 ans» l’arrivée sur ce marché de rivaux chinois auréolés par leurs réalisations ultrarapides des métros de Pékin (cf p.2) et de Shanghai, capables de financer ces projets, quitte à se rembourser sur 30 à 50 ans par les ventes de billets.

L’avenir en Égypte réserve bien des surprises, avec des projets « pharaoniques » en vue, tel un TGV Le Caire-Assouan le long du Nil, cordon ombilical du pays, qui prendrait le relais d’un équipement depuis longtemps périmé. Le Caire annonce aussi une autoroute Ouest-Est vers la Mer Rouge et un canal à grand gabarit dit « second Nil » du lac Nasser au Delta, de transport et d’irrigation, base d’une chaîne de villes à bâtir, de renouveau de l’Égypte : sur ces appels d’offres futurs, la Chine sera compétitive !

La rue égyptienne n’est pas ravie de cette ruée chinoise qui pour l’instant lui brise plus d’emplois qu’elle ne lui en crée.

Sur les routes, la Peugeot 504 conserve la préférence du taxi collectif, quoique délabrée après 40 ans de bons et loyaux services. Mais faute de pouvoir acheter ce modèle abandonné depuis 28 ans, les chauffeurs se rabattent sur la concurrence (Toyota, Nissan, Geely, Cherry, BYD): la mort dans l’âme, les nouveaux modèles étant plus exigus et trop bas, mal adaptés aux routes locales. Mais ceci suggère que la relève chinoise en Égypte est moins guidée par la fatalité, que par des choix à courte vue, effectués 30 ans plus tôt de l’autre côté de la Méditerranée.

 

 

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