Pol : Fait de société — la «bei» génération

Xinhua publie (16/02) un article rarissime par son titre comme par son fond : l’emploi du passif chez l’homme de la rue, pour exiger la liberté.

Elu idéogramme de 2009 par la toile chinoise, le caractère 被 bei (forme passive) fait l’objet d’une floraison de termes nouveaux, dénonçant abus de pouvoir ou fraude.

Bei zisha (被自杀, «s’être fait suicider») suggère que le meurtre a été maquillé en suicide.

Bei ziyuan -(被资源 être «volontarisé») suggère que l’on a été désigné arbitrairement à une corvée  «volontaire».

L’incontournable bei hexie – 被和谐, s’être fait «harmoniser» (déviation du mot d’ordre de Hu Jintao), suggère toute sorte de vexation par l’Etat, comme bei juan kuan (被捐款, faire une donation forcée).

Bei hei 被黑 signifie se faire hacker, et bei pozu (被迫族), être marié de force par des parents soucieux de descendance (ce qui arrive à la génération des 30 ans, célibataires attardés.)

Comme on le voit, la « 被时代 » ou « bei-génération » ne s’en prend pas qu’à l’Etat, mais aussi aux familles, à l’employeur, à toutes pesanteurs sociales. Elle dit le sarcasme de jeunes plus libres que jamais, contre l’arbitraire et le non-droit de son époque, et trouve dans sa langue le terrain pour démarquer sa différence, à défaut de pouvoir le faire dans ses actes.

Mais le fait que ce soit Xinhua repris par toute la presse, qui annonce ce fait de société, en dit long sur l’évolution extrêmement rapide de l’émergence du « moi », dans cette société en pleine mutation, en train de remettre en cause des millénaires d’affirmation de la primauté du groupe !

 

 

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