Editorial : Entre Pyongyang, Téhéran et Washington : le grand jeu chinois

De source nord-coréenne citée par l’agence sudiste Yonghap, la rumeur mérite réflexion, pour son impact possible sur l’avenir de la péninsule.

Pour le Pays du matin calme, Pékin aurait réuni 10MM$ de fonds des banques (dont 6MM$ de la Banque de Chine) et des « compagnies internationales» pour un genre de plan Marshall de reconstruction de routes, ports et logements, en échange d’un retour au tapis vert.

Négociée début février 2010 à Pyongyang entre Kim Jong-il le leader suprême et Wang Jiarui, tête du Département International du Parti communiste chinois, l’affaire serait formalisée mi-mars 2010.

Le geste aurait une forte charge symbolique, main solitaire tendue à un régime en ruine et au ban des nations, et aide égale à 40% du PNB nord-coréen de 2008. Ses implications frappent: dans un monde en récession, seule la Chine semble encore en état d’offrir à la Corée du Nord mieux qu’un bol de riz au jour le jour.

Pékin le sait, et décide de dépasser une fois pour toute la logique des sanctions pour inverser l’équation: lancer d’abord la reconstruction, afin de forcer les autres (devant le fait accompli) à suivre. Pyongyang devra normaliser, pour ne pas dépendre politiquement et financièrement d’un seul parrain -sa hantise historique. Le monde entier (y-compris l’Europe) devra dégager des fonds, pour ne pas voir lui échapper cet ultime marché vierge d’un pays où tout est à refaire.

Aspect peut-être génial de ce deal (toujours sous réserve d’inventaire): il se pourrait qu’il ne coûte rien à Pékin, ou presque: la finance pressentie est de source commerciale, Pékin n’intervenant qu’au niveau de la garantie de bonne fin des chantiers, ou de bonification d’intérêts.

Mais pas trop de lyrisme. Même si le paquet financier existe, même s’il est bien lié à la fin des 60 ans d’état de guerre, reste à voir si les 10MM$ suffiront aux yeux du « cher leader » pour renoncer à son chantage à la bombe, son seul atout pour obtenir des puissances les moyens de sa survie.

Face à l’Iran, Pékin subit la pression occidentale pour d’autres sanctions, après que le Président Ahmadinejad ait annoncé le renforcement de sa capacité d’enrichissement d’uranium. La Chine se cantonne dans sa stratégie du «ni oui, ni non», de retardement et d’étouffement de l’action de l’Ouest.

Sur le fond, Pékin n’aime pas l’idée d’ un Iran nucléaire. Mais le protéger lui assure 11% de ses besoins en hydrocarbures (23Mt l’an passé). Elle combat aussi ces sanctions internationales par réflexe atavique, pour en avoir elle-même souffert sous les guerres de l’opium (XIX.) qui lui aliénèrent durant des décennies sa souveraineté.

Pour autant, elle ne se prive pas de rappeler à Téhéran qu’entre Iran et Washington, la dernière compte le plus. Aussi début mars, alors que Moscou semble plus proche du principe de sanctions, Pékin pourrait se laisser convaincre et ne pas opposer son veto à sa 5ème résolution du Conseil de Sécurité sur l’Iran, mais sa 1ère assortie de pénalités.

Enfin la visite, pourtant discrète et effacée du Dalai Lama à la Maison Blanche, le 18/02, a été précédée à Pékin par un concert de fureur et de pressions. Obama réparait une erreur, en fait, ayant justement reculé devant cette échéance en octobre, pour ne pas indisposer l’allié chinois, qui ne lui en avait manifesté aucun gré en retour.

Le lendemain matin, sans retard, Jon Huntsman, l’ambassadeur américain était convoqué par Cui Tiankai le n°2 du ministère des affaires étrangères pour une heure de semonce et de haut déplaisir. Mais l’exercice n’alla pas plus loin que la demande aux USA de réparer le tort subi.

Pas de sanctions annoncées, contrairement aux suggestions passées et aux traitements infligés récemment à des pays moins puissants tels Allemagne ou France: c’est que vu l’interaction de ces économies mondiales, et les 755MM$ d’épargne chinoise en bons du trésor, des rétorsions du Céleste Empire n’ont pas de sens, et se retourneraient vite contre lui !

 

 

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