Le 28/02 à Bahrain, dans sa course à l’Océan Indien, l’Armée populaire de libération (APL) franchissait un grand pas en obtenant du SHADE (l’organe occidental de surveillance des pirates somaliens) le commandement tournant de sa flotte de 40 bâtiments militaires des USA, du Japon ou de l’UE entre autres. C’était une première, gagnée après un an de présence de ses deux destroyers au Golfe d’Aden, exerçant 5 rotations/mois et ayant escorté 1300 bâtiments sous pavillon chinois, Hongkongais et même de Taiwan, sans qu’un seul d’entre eux ne soit kidnappé. L’APL devrait exercer ce commandement conjoint pour trois à quatre mois, dès l’été 2010. Elle s’est aussi vu accorder en propre, conformément à sa demande, un segment de 60 milles à surveiller sur le corridor de transit sécurisé.
Au même moment, la Chine créait la surprise en révélant que ses commandos spéciaux stationnaient parfois à bord de vaisseaux sous son escorte, parmi les plus lents et vulnérables. La pratique est compatible avec le droit de la mer, pour peu que ces bâtiments battent son pavillon. La présence de combattants de métier peut être dissuasive, face à des pirates armés de bric et de broc et sans entraînement militaire. Mais armateurs et équipages, notamment de HK y sont défavorables, redoutant l’escalade de violence qu’elle fait risquer. Jusqu’à présent, les arraisonnements se font sans verser de sang.
La décision chinoise de se joindre au SHADE est récente : suite à la capture du vraquier chinois De Xin Hai en septembre, libéré en novembre après rançon de 3,5M$. Cette affaire avait brutalement révélé à l’opinion chinoise que « fraternité tiers-mondiste » mise à part, sa flotte marchande était logée à même enseigne que toutes les autres. Dès le mois suivant, le contre-amiral Yin Zhuo plaidait pour un droit à une base logistique dans la zone, pour pouvoir réapprovisionner ses navires de protection.
Côté Occidental aussi, le désir de voir les Chinois rallier leur groupe n’est venu que progressivement de la prise de conscience de la difficulté croissante et du combat incertain. Car si la bande côtière est à peu près sécurisée, les pirates compensent en audace, capturant leurs proies à 1100 milles de leurs côtes : en l’état, la situation est « sans espoir », pensent les gestionnaires du SHADE.
En entrant au club, la Chine s’est engagée à renforcer sa flotte. D’autres, tels Inde et Russie, qui jusqu’à présent s’abstenaient, vont devoir suivre la Chine dans ce pari sur le renforcement de leur présence dans l’Océan Indien.
Ainsi, la Chine entre dans cet océan par la grande porte. Outre, sans doute, un port d’attache local, elle y gagnera ses galons de puissance maritime, et un savoir-faire utilisable soit pour des missions de paix, soit dans des objectifs plus dérangeants. Tels le contrôle du détroit de Malacca, ou le blocus de Taiwan… Mais une telle étape était inévitable, et le monde, face cette montée en puissance, n’a d’autre choix que de faire confiance à la République Populaire.
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