L’Est rencontre l’Ouest le 14/02 à travers deux fêtes, toutes deux populaires. Romantique (浪漫, langman), la St Valentin passera au 2eme plan au profit de celle qui pèse plus lourd au pays du Milieu : la fête du printemps (春节, chunjie) qui saluera le départ du Boeuf, l’avènement du Tigre, et comme chaque 12 ans, celui d’un élément nouveau — le métal. Entre ces deux années astrales, quelles dissemblances !
Autant le boeuf était constant, fort de sa régularité quotidienne, autant le tigre gagne par son audace, son panache et son goût du pari. Symbole de l’armée, c’est lui qui protège la maison des trois désastres traditionnels -feu, voleurs et fantômes. Assimilé au yin féminin, par opposition au yang du dragon, il ne peut vivre sans rassembler les autres sous sa coupe. Susceptible sur les questions d’honneur, fier de sa différence, il s’avère charmeur, imprévisible et flexible. Il a les qualités d’un chef : bourreau de travail, stratège (visionnaire à long terme), et froid – sur ses gardes. Ses défauts étant le soupçon, l’emportement et l’atermoiement. Le tigre de métal est aussi jusqu’au-boutiste, sans regard sur les conséquences.
Cette année encore, le chunjie va battre les records de voyageurs: 2,5MM (+7,7%) , dont 210M en train, chargés de cadeaux (+9,5%). Pour les protéger des vendeurs à la sauvette, Canton a inauguré un système électronique de tickets nominatifs, plus sûr, mais qui a forcé des millions à des files d’attentes bien plus longues.
Malgré le risque d’accidents, les pétards restent tolérés. Restent aussi de rigueur : les raviolis, dont un chargé d’une piécette, la ceinture rouge cachée, pour ceux nés sous ce signe. Mais au-delà de ces formes éternelles, le chunjie reflète la mutation sociale : des départs moins vers le village, plus à l’étranger, un réveillon moins chez les parents, plus dans les restaurants de luxe, complets 15 jours d’avance.
La fête du printemps est aussi le temps de la vertu confucéenne et du retour à soi : celui où le régime veut se faire aimer, en multipliant les actions et déclarations de bonne volonté. Il envoie ses inspecteurs sur les chantiers, espérant que les migrants puissent retourner chez eux tête haute et poches pleines. Il a fort à faire. Comme tous les ans, peu de villes échappent aux scènes de manifestations et de désespoir pour des mois de salaires détournés par des patrons sans scrupules. Au mépris de la loi des contrats de travail, vieille de deux ans, les deux-tiers des migrants travaillent toujours au noir, révèle ce sondage tout juste publié…
Chaque ville rehausse alors son salaire minima, et Pékin promet aux migrants un permis de séjour réactualisé, assorti de droits sociaux.
Un autre projet de loi veut forcer les promoteurs à dédommager au prix du marché ceux qu’ils expulsent. Cela permettrait, si suivi d’effets, d’ôter une des premières causes d’émeutes, tout en calmant la bulle immobilière.
Concession aux amis des animaux, la Chine prépare aussi l’interdiction dans les restaurants des plats de chiens et de chats.
Signe patent de cette volonté d’apaisement, Feng Zhenghu, signataire de la Charte 2008, est autorisé à rentrer chez lui à Shanghai, après 91 jours de séjour forcé à l’aéroport de Narita (Japon) – la Chine qui l’avait expulsée, lui ayant refusé durant tout ce temps le retour.
Le maire de Shanghai, la cité d’ avant-garde, ose s’aventurer sur ces sables mouvants de la démocratie, promettant une administration plus trans-parente et crédible: mince promesse, au respect non garanti, mais c’est un discret message : le progrès des droits de l’homme reste à l’agenda, à condition de garder (forte) patience…
Sommaire N° 5