A la loupe : La fin des ambassades provinciales – ou bien?

Peu d’étrangers ont loisir de le voir, mais Pékin n’abrite pas moins de 5500 bureaux de représentation des villes, districts, chefs lieux et provinces, sans compter 5000 secrétariats de firmes provinciales à seule fin de guanxi (关系), relations. Le coût d’une telle infrastructure passe l’entendement : 8000 emplois pour les seules provinces -diplomates, financiers, experts, chauffeurs, tailleurs, cuisiniers, sans compter leurs familles ou amantes…

Leurs fonctions sont aussi occultes que leur présence. Elles vont de la collecte de renseignements, vitaux pour les instances provinciales, sur les nominations, règlements ou normes imminentes. Il donne aussi accès à la licence, à la réduction d’amende, ou au sursis à des milliers d’emplois, que les provinces ne pourraient obtenir depuis leur sol. Il permet enfin de caser dans la capitale des «enfants du pays», de remercier des cadres bienveillants, par des repas ou des nuitées de luxe et gratuits…

Mais face à ce réseau interlope, Pékin perd patience. Dans le cadre de sa campagne anti-corruption, le pouvoir central vient de donner six mois aux régions pour rapatrier la plupart de ces officines, avec pour seule exception celles des provinces et villes autonomes. Et encore désormais, elles feront l’objet d’une supervision rapprochée. Presque aussi important que la lutte anti-corruption, c’est aussi le lobbysme que Pékin veut réduire: ces bureaux aux mêmes intérêts ont tendance à s’unir pour mettre en échec tout projet central qui lèse leurs positions.

La presse locale doute des chances d’aboutir de cette tentative de coup de torchon. Pour une raison simple : ils constituent la parade des provinces au monopole de l’Etat jacobin sur les budgets, de la main de fer centralisatrice sur la police, et toute décision les concernant. Pour les provinces, savoir ce qui se prépare pour elles, quels types d’industrie, d’emplois sont dans le collimateur est une condition de survie, et même utile à l’intérêt, qu’elles partagent avec l’Etat, dans la stabilité sociale.

Ces bureaux ont de plus une utilité irremplaçable pour l’Etat central : ils l’aident à faire retourner chez eux leurs propres concitoyens montés à Pékin pour déposer une pétition: des millions/an, dont la capitale ne peut pas plus satisfaire la soif de justice que les instances locales, mais qu’il s’agit de rapatrier discrètement. Dernier obstacle à la fermeture de ces bureaux: les cadres provinciaux à Pékin, ont tendance invariable à protéger leur région… Enfin, si la pression de l’Etat se faisait trop forte, ces officines auraient toujours cet imparable recours pour subsister : changer de nom, d’adresse à la rigueur.

NB: l’initiative de Pékin semble annoncer des mesures inévitables mais impopulaires (taxe au carburant, doublement du coût de l’eau ou de l’énergie, nouvelles normes environnementales). Enfin, si l’on interroge les provinces sur leurs projets, concernant leurs bureaux dans la capitale, la tendance est claire: les renforcer et non les fermer. La seule solution, étant une réforme administrative déléguant plus de compétences aux provinces, et un jeu administratif assorti de plus de concertation.

 

 

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