A la loupe : Salon de Zhuhai—l’aviation chinois toutes voiles dehors

Avec sa patience coutumière, la Chine a attendu le salon bisannuel de l’aéronautique (16-21/11) à Zhuhai, ville soeur de Macao, pour lancer son « scoop » : l’annonce d’une dérégulation de l’espace aérien qui permettrait d’ici 2020 au monde civil de voler sous le plafond de 1000m, voire 4000m, avec pour seule formalité celle du plan de vol. Si l’APL, propriétaire des cieux, le fait vraiment (elle l’a déjà annoncé plusieurs fois sans donner suite), la Chine pourra rattraper un stupéfiant retard : en 2008, ses 22% de l’humanité comptaient 898 avions privés contre 222.000 aux USA. Dès 2011, l’APL ouvrirait jusqu’à 1000m les espaces de Pékin, Nankin, Chengdu et Canton.

Voilà de quoi égayer les tenors mondiaux de l’aviation civile, tels Piper, Beechcraft et Textron (propriétaire de Cessna et Bell Helicopters) dont le Président Martin Lin voit « le début d’une ère nouvelle pour l’aviation chinoise ».

Les futurs clients sont les 300.000 riches rêvant d’un jet ou d’un petit avion.

Certains investissent : Deng Bin, à Chengdu, a dépensé 30M$ dans un club-aéroport privé pour accueillir les avions d’autres fans. Président d’une firme d’hélicoptères, Lü Yong s’est offert à Nankin le premier héliport privé chinois (9M$), le second à Suzhou pour 18M$, et prépare Shanghai, Huangshan et Shaoxing. La limite vient du manque de pilotes : en hélicoptères, ils ne sont que 1000, quand il en faudra 3 à 5000 d’ici 2013. Lü croit, qu’entre construction et maintenance d’avions, investissements et emplois en aéroclubs, aiguilleurs du ciel, certification et aérotourisme, le marché vaudra 150MM$ sous 10 ans. Un « hub » d’avenir est Tianjin, avec son école française d’ingénieurs aéronautique — pépinière du secteur.

Accueillant cette année 600 exposants (dont 18 français) et 70 avions, Zhuhai vit aussi la sortie de l’AC311, 1er hélicoptère local, d’un poids de 2t, et celle de la capsule spatiale Tiangong-1 de 12m de long, avec sas d’amarrage. Airbus annonça la commande de 20 A330 et A350, d’ici 2020, pour Air China, d’une valeur de 4,5MM$.

L’autre «scoop» de Zhuhai fut l’apparition du C919 de la Comac, 150-190 passagers, en service en 2016. Quatre transporteurs nationaux et GECAS (US, n°1 mondial du leasing) en «commandèrent» 100. Le C919 doit encore franchir le cap des certifications occidentales pour s’imposer en réel rival de Boeing et surtout de l’A320, 20% moins cher, motorisé par GE et Safran. De ce type d’appareil, la Comac prévoit sous vingt ans un besoin mondial de 19.921 unités, dont 4.439 en Chine, et 2.000 pour le C919.

Autant dire que cette aéronautique chinoise a décollé, ayant atteint au XI. Plan 7MM$ de chiffre, quadruple du Xème, tandis que l’ARJ-21 drainait 240 commandes.

Mais justement, ce succès fait grincer des dents à Embraer, avioniste brésilien installé à Harbin en JV depuis 2003, où il monte son ERJ-145 de 50 places. Depuis, le modèle a perdu la cote (il n’en a vendu que 38 unités), pénalisé par une taxe sur sa consommation en kérosène, dont l’ARJ-21 lui, se trouve exempt. Or, Embraer attend depuis des ans sa licence pour le E-Jet, son dernier jet régional, concurrent potentiel du ARJ-21. En vain—l’ARJ-21 se construit à bouchées doubles, le dossier du E-Jet «reste à l’étude». Aussi Embraer le dit tout net, si Pékin ne juge pas bon de lever assez vite le drapeau vert, il fermera Harbin : autant pour la « communauté de destin industriel », célébrée en grande pompe par Pékin et Brasilia à chaque rencontre, comme membres des «BRIC» des 4 pays émergents.

 

 

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