En soi, David Cameron le jeune et nouveau Premier ministre conservateur britannique aurait eu trois raisons de déplaire à Pékin :
[1] un aïeul né à Shanghai à l’ère «mi-coloniale, mi féodale», [2] à la création de son cabinet de coalition, avoir confié le dossier «Chine» à son n°2 N. Clegg (du Parti Libéral-Démocrate), [3] et son refus d’ôter de sa boutonnière un coquelicot de papier (qui honorait les vétérans de la 1ère guerre mondiale, mais où la Chine prétendait voir un rappel des guerres de l’opium).
A ces litiges, Cameron en rajouta un 4ème, demandant à son collègue Wen Jiabao la libération de Liu Xiaobo, le Nobel prisonnier : sujet très anathème ! Puis pour faire bonne mesure, il loua aux étudiants de Beida les beautés du multipartisme, tel qu’exemplifié par sa coalition. Retrouvant inconsciemment le ton de Margaret Thatcher au 96′ China Summit à Pékin (cf VdlC N°42/1996), Cameron exaltait le « courage d’être démocrate »
Ainsi après dix années d’une politesse confinant à l’auto censure envers la Chine, la Great Britain de Cameron veut recouvrer sa liberté de ton et ses valeurs. Or, elle s’y attelle au moment où sa dépendance envers la Chine est la plus lourde, pour sauvegarder ses emplois et franchir la barre de cette crise de mutation économique. En ce combat autant désespéré qu’indispensable, Londres est loin d’être seule : en ce diagnostic sur le Royaume-Uni, quel autre pays européen ne pourrait pas se reconnaître ?
Cameron venait avec quatre ministres et 43 patrons d’affaires «la plus importante mission industrielle dans l’histoire bilatérale ». Il affichait crânement ses ambitions, prétendant doubler d’ici 2015 le commerce bilatéral annuel à 100MM$, dont 30MM$ en exports vers la Chine.
Côté chinois cependant, loin de s’offusquer de la franchise retrouvée, l’accueil fut au plus haut niveau, Cameron étant reçu par Wen Jiabao, par le président Hu Jintao et d’autres membres du leadership suprême. Effort qui s’explique par l’histoire (Londres ayant été un partenaire politique parmi les plus anciens), et l’économie -le Royaume-Uni est le 2d investisseur européen derrière l’Allemagne, ayant échangé avec la Chine 35,75MM$ aux trois 1ers trimestres 2010. Pas moins de 41 contrats et accords furent signés par son cabinet durant sa visite, parmi lesquels 1,2MM$ de commandes en moteurs Rolls Royce pour équiper 16 Airbus A330 du transporteur China Eastern. Au reste, Londres décrocha encore un contrat pour quelques dizaines de verrats de reproduction, et la protection du droit de marque pour le whisky qui passe en Chine sous la loi britannique, ce dont les distillateurs écossais espèrent un doublement de leurs ventes. Mais cela est peu de chose, face aux 21MM$ annoncés à Paris la semaine précédente!
En définitive, ces raisons de déplaire citées plus haut, obtinrent curieusement l’effet inverse auprès d’une presse chinoise ne retenant que l’« amour sino-britannique ». Ainsi qu’auprès du gouvernement chinois : d’abord un peu surpris par la bouffée de combativité du visiteur, il donna l’impression de voir les choses de haut, avec placidité et tolérance. Il faut dire que les temps étaient favorables à Cameron : avec les USA à affronter au G20, et une nuée de boucliers levés contre elle en Asie suite au déploiement de sa marine en mer de Chine, Pékin pense à tout autre chose aujourd’hui, qu’à gonfler les rangs de ses détracteurs.
Sommaire N° 37