Editorial : La politique chinoise, en trois pas

[1] Neuf jours après la clôture d’un Comité Central enterrant six mois d’espoirs de réforme politique, le XII. Plan (2011-2015) est publié, avec pour priorité le vieux fil rouge de l’ère de Hu Jintao : l’amélioration du cadre de vie rural, l’urbanisation (pour loger 900M de citadins d’ici 2020 selon la Banque mondiale), l’accès à la santé, l’éducation, les services.

D’ici 2015, Pékin veut implanter des chaînes commerciales dans tous les chefs-lieux de canton et dans 90% des «villages». La réduction des écarts de richesse débute par une réforme prochaine de la taxation du foncier: 0,6%/an sur tout second appart. En environnement, l’autre pilier du Plan, l’Etat veut rendre obligatoires les quotas d’émissions de CO2 et populariser les bourses de crédits carbone.

[2] Le report d’exercices aéronavals USA-Corée du Sud traduit une accalmie dans les rapports sino-américains : concession de B. Obama, qui tente de s’entendre avec la Chine pour éliminer le vieux contentieux du yuan trop bas, et du jeu de la BPdC, la banque centrale, sur le marché des changes pour le maintenir bloqué sur le dollar.

Un double marathon diplomatique a lieu, mondial ET bilatéral : face à trois sommets régionaux ou mondiaux en cours, les deux pays se retrouvent après les deux 1ers pour poursuivre les palabres. T. Geithner, grand argentier américain rencontre le vice 1er Wang Qishan à Qingdao (24/10) quelques heures après le G20-Finance de Gyeongju (Corée du Sud). H. Clinton se pose à Hainan le 30/10, le temps de voir Dai Bingguo, Conseiller d’Etat après l’ASEAN de Hanoi.

De ces palabres Sino-US, semble émerger un consensus pour limiter les excédents de comptes courants à 4% des PIB, souhait de T. Geithner. Pékin n’y est pas opposé -même si une faction du G20-Finance menée par l’Inde, rejette ce «carcan chiffré». Tout ceci pourrait aboutir à un accord au G20 des chefs d’Etat à Séoul ( 11-12-/11). Chine et USA disputeraient alors la vedette à N. Sarkozy, le futur président en exercice du G20, qui tente d’arracher au sommet une refonte du FMI (cf p.2).

[3] Après Hainan, H. Clinton poursuit son périple vers six pays d’Asie du Sud-Est et du Pacifique, juste avant la visite du président américain dans quatre pays de la zone, dont Japon et Inde – pas par hasard. Inquiets de la montée en puissance navale de la Chine, les USA et ces pays se rapprochent. L’annonce par Pékin (27/10) d’un renfort de sa flotte de 36 bâtiments « pour défendre ses droits » ne fait rien pour les rassurer.

Face au Japon, 60 jours après l’incident autour des îles Diaoyu-Senkaku (4/09), la tension dure. La presse chinoise ressasse sa «souveraineté inaliénable», et des manifestations sporadiques éclatent (Chongqing, 27/10)… Du coup, les voisins réarment et plébiscitent le retour de la 6. Flotte US (VdlC n°34).

Le plus brûlant revirement est celui du Japon. Ayant mis fin en 2009 à 65 ans de pouvoir du LDP, Naoto Kan (Parti Démocratique) devenait 1er ministre, prônant réconciliation et amitié avec Pékin. Mais après la douche froide de l’automne, ayant perdu toutes illusions, il se résigne à défendre l’alliance américaine, le réarmement, le redéploiement d’investissements vers l’Asie du Sud-Est et l’Inde (corridor Delhi-Mumbai).

Tout aussi soucieuse, l’Inde envoie (24/10) son 1er ministre M. Singh à Tokyo, espérant «faire du Japon un bouclier d’Asie contre l’expansion chinoise» et créer avec lui un circuit de terres rares évitant la Chine. A Hanoi, Seiji Maehara et Yang Jiechi les ministres des Affaires étrangères se voyaient, se promettaient d’arranger les choses. Dans les heures suivantes, un échange était annoncé entre leurs 1ers ministres… puis il capotait, rejeté par une Chine aux nerfs à fleur de peau, dénonçant un article malheureux dans la presse nippone…

On voit donc se confirmer ces deux tendances contradictoires : la Chine qui s’isole en exprimant sa force (les USA en profitent pour faire leur «come back»), et la Chine négociant avec Washington d’un côté, la France de l’autre, une réforme de la finance mondiale… Dans les deux cas, les USA sont gagnants, et retrouvent un rôle d’arbitre militaire et financier en Asie, dont ils avaient depuis longtemps fait leur deuil !

 

 

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