Temps fort : Robert Gates, à l’ASEAN : « don’t cry for me, Asia »

Du 10 au 13/10 à Hanoi, 18 ministres de la défense (de l’Asean et de 8 puissances maritimes d’Asie ou de l’hémisphère Sud) se rencontraient pour discuter navigation : sujet « bateau » en apparence, mais qui fait « tanguer » très fort les rapports de ces 17 pays avec la Chine. A ce sommet, le plus important était le non-dit.

A commencer par la fronde des pays de l’Asean, plus qu’inquiets de voir la Chine déployer sa marine autour de leurs côtes pour y imposer sa souveraineté de facto, faisant fi de leurs propres légitimes revendications. La conférence était organisée depuis de longs mois par le Vietnam – président en exercice de l’organisation régionale. La Chine avait accepté d’y participer, moyennant l’abandon à l’ordre du jour du sujet qui fâche, la mer de Chine.

Il ne fut pourtant pratiquement question que de cela, chaque riverain multipliant à son tour les prières aux Etats-Unis (Robert Gates, secrétaire à la Défense) de ne plus quitter la région militairement et diplomatiquement. Durant les 8 ans de son mandat (2000-2008), le Président G.W. Bush avait fortement réduit la présence américaine dans la zone, dont il se désintéressait.

L’audace fraîche des membres de l’Asean avait été en partie provoquée par la montée en puissance de Pékin autour des Paracelses et Spratley : ses ordres depuis 2008 aux compagnies pétrolières de cesser l’exploration pour le compte du Vietnam, ses arraisonnements de 63 chalutiers depuis 2005, ses tonitruants exercices cet été. Sans compter sa classification en mars de la mer de Chine du Sud comme « intérêt majeur ».

Un 1er sommet «affaires étrangères» en juillet avait fait des étincelles: un ministre chinois furieux y avait menacé Hanoi de sanctions, accusé H. Clinton de complot anti-chinois. Le colloque-défense fut a peine plus doux. Visage tendu, le général ministre Liang Guanglie dut entendre une série de discours réclamant un partage de la mer de Chine sous les auspices de l’ONU et le parrainage des USA. Gates rassurait ces pays de la pérennité de leur retour, leur promettant, main sur le coeur : «nous n’avons jamais tourné le dos à l’Asie ».

Comme parade, la Chine réitérait son argumentation d’une armée chinoise pacifiste de coeur, et choisissait le milieu du colloque pour libérer les 9 marins vietnamiens encore prisonniers, sans leur imposer d’amende.

Pour autant, la Chine n’a pas tout perdu. La mer de Chine ne figurant pas à l’agenda, Liang en profita pour déclarer que le débat « soulevé, mais non  traité », était nul et non avenu. D’autre part sous sa pression, l’Asean n’osa pas voter une fréquence annuelle à ce colloque défense -la prochaine session serait… pour 2013 ! Idem, les « groupes de travail » constitués, aux titres angéliques («assistance humanitaire», «médecine militaire» etc.) ne causaient aucune gêne aux intérêts chinois.

Pour autant, aux yeux de l’Asean, l’essentiel était atteint. Les USA à leurs côtés, promettaient de rester. Les 10 riverains refusaient d’aller à Pékin en ordre dispersé, négocier leurs revendications en position d’infériorité.

Enfin, pour l’avenir, rien n’est réglé. La Chine n’a rien cédé, et semble attendre, confiante dans sa capacité d’imposer sa souveraineté sur ces eaux. Bien d’autres facteurs joueront à l’avenir : le choix de Pékin de tenter ou non de punir Hanoi, l’auteur de la fronde, la capacité de l’Asean à maintenir son unité face à elle, la discrétion future de la navale chinoise, et la capacité des Etats-Unis, de maintenir leur 6ème flotte dans la région!

 

 

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