Pour le Président Medvedev, durant sa visite fin septembre, les relations avec la Chine sont « à leur apogée », en un mariage idéal. 1er producteur de matières 1ères, la Russie vend ses hydrocarbures, et la Chine 1er utilisateur paie en devises, en équipements et en accès en bourse de Hong Kong, où le groupe RusAl, cette année, a drainé 2,2MM$.
Ainsi dès février 2009, Pékin «prêtait» à Moscou 25MM$, remboursables en pétrole, 300Mt de 2011 à 2030 « au prix du marché », via le pipeline sibérien, dont vient de s’ouvrir la bifurcation chinoise vers Daqing (927km).
Avec la CNPC, la compagnie pétrolière nationale, Rosneft vient de négocier la création à Tianjin d’une raffinerie en JV, d’une capacité de 260.000 barils par jour : 70% provenant de Russie. Le contrat actuel en pétrole est de 15Mt (elle en espérait le double) et E. Khudainatov, le PDG de Rosneft, évalue le besoin global chinois à 250Mt/an.
À 5MM$, le complexe ouvrira en 2015, accompagné de 550 stations-service pour Rosneft, qui prétend aussi fournir CNPC en GNL (Gaz Naturel Liquéfié) issu de son gisement de Yurubcheno-Tokhomskoye (Sibérie orientale) – écornant ainsi le monopole de Gazprom sur cette exportation.
La Russie va aussi exporter en Chine 12Mt de houille en 2010, 25% de plus qu’en 2009, et Atomstroyexport et CNNC négocient la création d’une centrale au Jiangsu.
La Chine investit aussi des milliards de US$ dans les mines, les forêts et l’agriculture russe. Mais l’entente a ses limites. Les débats achoppent sur le prix du gaz et si l’accord n’est trouvé en 2011, pas un m3 ne sera livré. En outre, la Chine commande aussi aux ex-satellites de l’URSS, beaucoup trop d’hydrocarbures au goût de Moscou : à lui seul, le Turkménistan vient de signer pour 40MMm3/an de gaz, plus que la totalité des contrats sino-russes. Les industriels chinois déçoivent enfin la Russie, boudant son marché : trouvant de meilleurs profits à faire ailleurs.
Le 4 octobre, l’harmonie officielle sino-russe subit un « couac », du n°1 de l’armée russe en personne, l’amiral Vl. Vysotsky, qui dénonçait l’intensification de la présence navale chinoise en zone arctique.
La marine russe va multiplier ses patrouilles pour y mettre le holà, et ne concédera « pas un pouce » de ces eaux dont il détient 200 milles marins en exploitation exclusive, selon le droit de la mer. Mais il en revendique plus, et tente de se partager l’Arctique avec les quatre autres riverains, USA, Canada, Norvège et Danemark. La Chine guigne des droits de navigation sur cette route future, des droits de pêche et d’exploitation de minerais sous ce pôle Nord réputé renfermer « deux Arabie Saoudite » en hydrocarbures. Alors, le verrou russe, sur l’Eldorado glacé, tiendra-t-il ?
Pas forcément. A en croire E. Bazhankov, académicien russe, Pékin, opportuniste, fait les yeux doux à l’Islande, proche de l’Arctique. Il l’a dépanné en 2008, alors en mauvaise passe bancaire et oubliée par Union Européenne et USA. D’autre part, vu le partenariat stratégique entre Chine et Russie, un arrangement lors des décennies à venir, sur le partage du «gâteau» polaire, semble inéluctable…
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