Sur la «monnaie du peuple», les nuages noirs s’amoncellent.
A New York, le 22/09, à la 65. Assemblée générale de l’ONU parmi 140 chefs d’Etat et de gouvernements, Wen Jiabao était venu avant tout laver son pays des accusations contre sa monnaie. Si R. Zoellick (Banque Mondiale) lui ménage un léger répit en déclarant que la Chine «comprend désormais son obligation d’axer à l’avenir sa croissance sur son marché intérieur», B. Obama, sous pression électorale, enfonce le clou : les leaders chinois «n’ont pas fait tout ce qu’ils avaient promis» sur la dérégulation du ¥uan, qui reste «en dessous de ce que disent les conditions du marché» – donnant à la Chine un plus commercial.
Au 30/06, le déficit américain atteignait 119MM$, parti pour battre en 2010 le niveau de 2009 (227MM$).
Washington vient de lancer à l’organisation mondiale du commerce (OMC) deux plaintes pour discrimination de ses aciers et de ses services de paiement en ligne. Le Congrès veut aller plus loin: taxer les exportations chinoises. Seule chose qui retienne encore l’Amérique: l’incertitude sur la légalité-OMC de telles rétorsions.
Les Européens aussi relancent leurs plaintes contre les pratiques de Pékin. Ils ne peuvent plus tolérer les différents soutiens de la Chine à ses exportations, ni la perspective d’un déficit bilatéral de 3 à 500MM$ d’ici 2020. Aussi en avant-goût du Sommet Chine-Union Européenne d’octobre à Chengdu, Bruxelles lance (17/09) une procédure de rétorsion contre les subventions chinoises aux modems sans fil (WWAN), et les 27 Etats membres viennent de définir leurs «intérêts stratégiques».
Pékin balaie ces griefs d’un revers de manche : l’Union Européenne «nie l’intérêt des consommateurs»; Obama «manque de sagesse», à insister sur le taux de change; la Banque centrale « ne répétera pas l’erreur du Japon des années ’80, de céder à la pression et réévaluer ». Le Yuan « n’est pas la cause des maux du dollar ». Et Wen de marteler que la Chine «n’a pas les moyens» d’une forte réévaluation du Yuan, que la déstabilisation de centaines de millions de Chinois, n’est dans l’intérêt de personne…
Dès juillet 2010 toutefois, Pékin a racheté une poignée de bons du Trésor, portant son portefeuille à 847MM$ (+0,36%). C’est un message discret que la Chine ne renonce pas à ces acquisitions -et qu’elle le fait moins par foi dans la devise de l’Oncle Sam, que par esprit de responsabilité partenaire.
Si la Chine, contre vents et marées, tient bon sur son ¥uan, c’est suite aux 20 mois de stimulus géant qui ont nourri en toute indiscipline d’innombrables chantiers à fonds perdus : elle craint l’implosion de la « bulle » de ce crédit douteux, au cas où elle freinerait trop vite. Refusant de risquer une déstabilisation sociale majeure, ses leaders actuels préfèrent jouer sur le sens de responsabilité de l’Union Européenne et des USA. A leurs yeux, une chance sérieuse existe qu’ils échappent aux sanctions—soit par blocage de l’OMC, soit par pusillanimité du bloc de l’Ouest. Et de toute manière, si elles tombaient, ce serait à leurs successeurs, en 2012, d’y faire face.
Sommaire N° 31