Depuis des années, la coopé franco-chinoise en matière de transports était en sommeil : par les projets innovants qu’elle vient de générer, la visite du secrétaire d’Etat Dominique Bussereau (11/15/09), l’en arrache décidément :
[1] Des palabres sont en cours pour ouvrir les lignes aériennes Papeete-Shanghai et La Réunion-Chine, conjointes à Air Tahiti Nui, Air Austral et des transporteurs chinois non précisés. La Réunion veut sa part du tourisme chinois, et valoriser sa place de tête de pont vers Madagascar et l’Afrique de l’Est. Papeete prétend exploiter sa position au croisement entre Chine et Amérique Latine, Australie et Amérique du Nord. Paris craignait bien d’ouvrir, à La Réunion, la boite de Pandore d’une migration chinoise vers une Afrique Orientale peu préparée à y résister. Mais apparemment, la voilà rassurée.
[2] Avec China Southern, Air France-KLM va exploiter en commun la ligne Paris-Canton, éliminant leur concurrence. Ouverte en juin 2004 par les deux groupes en code-sharing, la ligne n’a jamais bien trouvé sa rentabilité, perturbée par la formidable rivalité de Hong Kong. Dès le 1/11, AF-KLM et China Southern partageront coûts et profits à 50/50%. AF-KLM prévoit de poursuivre sa traque des coûts en 2011, en signant un accord similaire avec China Eastern sur la ligne Paris-Shanghai. Il confirme ainsi son rang de 1er transporteur européen en Chine, avec 45 rotations depuis Paris et 39 depuis Amsterdam.
[3] Lors de l’étape de D. Bussereau à Wuhan, Air France-KLM s’est vue offrir une curieuse offre d’un autre type. Yang Song, Secrétaire du Parti pour la métropole du Yangtzé , lui demande d’ouvrir Paris-Wuhan, moyennant 30.000² de subvention par la ville à chaque vol durant un an. Si forte est l’envie du Hubei d’un lien direct avec l’Europe, qu’il croit rentable ses 3M² d’incitation (dans le scenario de deux vols/semaine). Cette offre est sans doute aussi inspirée par l’échéance « électorale » du Parti communiste chinois en 2012, où les apparatchiks rivalisent d’imagination pour démontrer leur dynamisme et faciliter leur chance de promotion… Sur cette offre, Air France n’a pas donné sa réponse.
[4] Enfin, en présence de D. Bussereau, Alstom a signé à Pékin une déclaration d’intention avec CNR et SEC pour développer des transports urbains. Satco et Satee, les JV depuis 1999 entre Alsom et CNR, vont ainsi étoffer leur offre de métros, tramways et d’Intercity sur les marchés de Chine et d’ailleurs. SEC, le géant shanghaïen de l’électromécanique, est appelé à disparaître de l’alliance, une fois qu’il aura transféré sa branche ‘transports’ à CNR, le constructeur ferroviaire du nord, pour se recentrer à l’avenir sur l’énergie, conventionnelle ou renouvelable.
Pour Alstom, l’alliance a deux limites. L’une est sa part minoritaire dans Satco, producteur des rames (40%), et Satee, constructeur d’équipements (60%). A l’avenir, Alstom ne pourra pas lui confier ses modèles de pointes, ni ses marchés propres, d’Europe ou d’Inde (où Alstom construit une usine) : Satco-Satee prospectera l’Asie, voire l’Australie. L’autre souci est la licence de vente que la Chine lui dénie depuis 10 ans : en attendant, Satco devra vendre via Changchun (filiale CNR), qui prend désormais pied sur le marché de Shanghai (fief de Satco), et sera à la fois son actionnaire-partenaire, et son concurrent…
Enfin, quoique rien ne l’évoque dans ce pré-accord, en cas de succès, la coopération pourrait alors être étendue aux TGV, où la Chine a des faiblesses technologiques (maîtrise des vibrations, dépense énergétique…) et un atout maître : le financement !
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