A la loupe : Taiwan— le désamour du grand retour

Aux présidentielles de 2008, Ma Ying-jeou et son parti nationaliste Kuomintang, étrillaient Chen Shui-bian et le parti autonomiste DPP. Chen descendait aux enfers, en prison pour corruption et Ma Ying-jeou entamait le rapprochement tous azimuts avec Pékin. Mais voilà que le pendule repart dans l’autre sens, dans l’opinion.

Publié le 13/09, un sondage d’août 2010, du KMT, compare l’opinion insulaire par rapport à 2000. Il dévoile que le soutien à la réunification s’amenuise de 9 à 5%, et celui de l’indépendance gonfle de 12 à 16%. Les pro-statu quo ont monté de 19% à 51%, majorité absolue. Au total, ils sont 67% désormais à revendiquer leur Etat séparé.

Dans ce sondage, l’image du Parti communiste chinois inquiète par son écrasante négativité : ils ne sont que 4% à le décrire comme « efficace et amical », 1% «civilisé et progressiste». Mais 20% des Taïwanais le taxent d’ «autocratie» et  17% de «tyrannie». Pire, la vision du peuple chinois n’échappe pas à ce qu’il faut bien qualifier de préjugé : 5% seulement le voient «sympathique», 1% «travailleur, capable, honnête et simple», mais 24% «grossier», 9% «mercantile», et même 7% de «brutal». Avec de telles opinions, on peut concevoir que 62% refusent d’envisager de franchir le détroit pour y travailler, 68% d’aller y créer une firme, et 87%, fût-ce d’y vivre.

Curieusement, ce refus frontal est démenti par la réalité quotidienne. Car sur la totalité des néo-diplômés   arrivant sur le marché du travail en 2010, 73% sont prêts à s’expatrier à Shanghai, 42% à Pékin et 11% ont déjà signé leur contrat de 1er emploi en Chine… Mais la conclusion qui s’impose, est que la politique de Ma de rapprochement avec la Chine est  désavouée —ce que confirme ce sondage de juillet, accordant au président KMT 32% de satisfaction et 56% de mécontentement.

Ce revirement reflète la valse des Taïwanais face à leur avenir. Mais l’hésitation s’avive aux premiers fruits de cette politique.

De janvier à juin, les échanges ont progressé de 56%, à 82MM$,  soit l’équivalent de 10% des échanges 2000-2009 (802MM$), dont 500MM$ d’excédent pour Taïwan qui, en partie grâce à la Chine, se classe au 4e rang mondial des investissements des multinationales (derrière Suisse, Singapour et Norvège). Or, le Taïwanais moyen sent que cette dépendance se renforcera suite à l’entrée en vigueur (12/09) de l’accord EFCA (Economic Framework Cooperation Agreement), favorable à l’île à dessein. Aussi l’image négative de la Chine traduit une peur symptomatique : celle de se voir «acheter son âme» par le continent, dont on se sent irréductiblement différent en dépit du patrimoine commun.

Conscients du risque, Pékin et Taipei multiplient les mesures : le 22/09, à Taipei et à Hong Kong, deux « forums  de la jeunesse » de 60 pays sur la réunification, et un autre forum à Shanghai, «entre compatriotes». Le 17/09, les manoeuvres conjointes des sapeurs-pompiers marins rassemblaient 30 navires et trois hélicoptères au large de Quemoy… 

Autant de gadgets qui ne peuvent cacher la tendance : la machine à normaliser, aujourd’hui, perd de la vapeur !

 

 

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