Editorial : XII. Plan, Réforme : la valse hésitation

En juin dernier, la presse chinoise prêtait au XII. Plan (2011-2016) l’objectif d’un tournant  vers une économie plus qualitative, durable et équitable, et d’une reprise de la réforme politique, sujet tabou depuis 22 ans. Citant des ténors, tels le 1er ministre Wen Jiabao ou le vice Président Xi Jinping, les media parlait d’une redistribution du fruit de la croissance vers les couches les moins favorisées (surtout les migrants), et d’une introduction graduelle d’élections, de libertés pour la justice et la presse.

Aujourd’hui, nous devons envisager l’autre scénario que le Plan se maintienne sur la lancée d’une croissance quantitative. Plusieurs signes vont en ce sens :

– aux fêtes du trentenaire de Shenzhen, Hu Jintao s’est exprimé sur un ton bien différent de celui de Wen Jiabao, trois semaines plus tôt, se faisant l’avocat d’un  «développement politique aux couleurs de la Chine». Il mit à l’honneur le magnat Hongkongais Li Ka-shing. Wen lui, avait plaidé pour la reprise de la réforme politique, « incontournable pour conserver le bien-être acquis».

– tel qu’annoncée dans la presse (VdlC n°28), la transformation du syndicat unique ACFTU est un pas en arrière par rapport à juin, quand Wen félicitait les grévistes de Honda pour avoir élu librement leurs leaders syndicaux ;

– et surtout, on assiste désormais à un grand silence au sommet et dans la presse, sur tout projet pour matérialiser le tournant attendu – comme Xi  Jinping à la Foire de Xiamen (3-6/09), multipliant les appels à la «réforme», mais sans proposer aucun  contenu.

Force est donc de constater un repli de l’offensive réformatrice de la fin du printemps, et à ceci, plusieurs raisons. Le système a été capable d’enrayer durant l’été les vagues d’infanticides,  de suicides et de grèves. La conjoncture reste souriante: 100MM$ d’Investissement direct étranger d’ici fin 2010, le 5e rang d’investisseur mondial, le second à l’export. Les calamités de l’été n’ont pas privé le pays d’une récolte plutôt bonne (VdlC n°28) : toutes ces tendances ont pu rassurer le bastion conservateur, lui suggérant de ne pas changer de ligne.

L’expert T. Doctorof (groupe JWT) estime que pour une forte ouverture politique, les temps ne sont pas murs. Pour 10 ans au moins, le pays va garder son avantage salarial sur les industries mondiales, qui lui permettra de financer la poursuite de son plan d’infrastructures et de villes nouvelles. Pour ce chantier géant industriel et social  (l’exode rural de 300M d’âmes), l’outil politique traditionnel, les investissements d’Etat, la censure et l’arbitraire  restent une solution plus plausible qu’un système inconnu, non testé, qui diluerait le monopole du Parti.

Est-ce à dire que tout espoir d’avancées est vain ? Ce serait mal nous lire. Il y a d’abord la pression internationale (USA, Union Européenne, OMC – Organisation mondiale du commerce) qui attend plus de transparence et de loi dans les affaires, donc un désengagement  du Parti dans l’économie. La Chine ne peut pas non plus laisser s’agrandir davantage le fossé croissant de fortunes entre la rue et les 130 milliardaires en dollars, les 875.000 millionnaires du pays. Sous peine d’en subir les crises de déstabilisation imprévisible.

Reste aussi cette expérience -pilote en cours depuis 2008, permettant au  paysan d’hypothéquer son terrain. Là où ce droit a été accordé, le paysan a emprunté deux fois plus que la moyenne : Pékin a donc le levier instantané pour doubler d’un trait de plume le pouvoir d’achat de 750M de citoyens potentiels.

Certains proches du pouvoir, croient que cette réforme figurera au XII. Plan, applicable dès 2011. Si cela se vérifiait, un nouvel élan économique serait sur les rails, avec des incidences politiques sans précédent. Car de facto, le paysan serait propriétaire de sa terre. C’est peut-être la réforme la plus réaliste que la Chine puisse s’offrir pour l’instant. 

 

 

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