Tambour battant, il se fera du 1er au 10/11, le recensement des 1,3MM d’âmes de la RP.Chine. Mais depuis des mois déjà, six millions de volontaires (étudiants, chômeurs) sont sur le pont pour défricher cette 6ème édition (depuis ’53) qui pour la 1ère fois, inclut les étrangers. De porte à porte à travers l’empire, ils colportent les explications, promettant notamment que les données, une fois exploitées à fins statistiques, seront détruites. Ils relèvent les n° de téléphone portable pour poser le jour venu aux clients de longues listes de questions sur tous domaines, état-civil, fortune, origine, confession etc. Ils signent des accords de confidentialité… Toutes ces précautions psychologiques tentent de dédramatiser. Car six semaines avant le branle-bas, les recenseurs ont la mauvaise surprise de souvent trouver porte close !
Pourquoi ? En général, avec l’insécurité grandissante d’une Chine qui a de plus en plus de choses de valeur à se faire voler, les gens ne veulent pas d’inconnus chez eux. En particulier tous ceux (nombreux) ayant maille à partir avec la loi, défendent bec et ongle leur foyer: les migrants qui peuvent être expulsés de la ville s’ils sont constatés chômeurs ; ceux qui sont endettés, et/ou délinquants ; eux qui ont fait des enfants «au noir», sans les déclarer, afin d’éviter l’écrasante amende. L’Etat leur a bien promis une semi-amnistie: « une amende minimale», suite à laquelle ils recevront papiers d’identité, scolarité et service de santé, réservés aux citadins. Mais la note s’élève quand même à 90.000¥ (prix plancher), une fortune pour les pauvres. De fait, à six semaines du jour fatidique, rares sont ceux qui ont mordu à l’hameçon. Il y a enfin ceux parmi les riches (la plupart) qui ont de l’argent sale spéculativement placé en appartements vides -pour 1400 MM$, selon une source. Or pour eux, le recensement aura forcément des suites, en repérant les biens fonciers dormants, avant de les taxer. Aussi ceux-là non plus ne veulent entendre parler du recenseur. Tandis qu’au village, plus souvent qu’à leur tour, les maires eux-mêmes lui tournent le dos, de peur que Pékin ne découvre le pot-aux-roses : le fait que depuis des dizaines d’années, leurs ouailles sont plus nombreuses que le chiffre officiel…
En fait de confiance, l’Etat s’est mis dans un mauvais pas en imposant la semaine passée le réenregistrement des identités pour tous les numéros de GSM, ce qui est interprété comme un 1er pas vers une mise sur écoute universelle. Autre malaise, suite à l’arrestation de l’écrivain Xie Zhaoping, pour son livre illégal sur les expropriations du barrage de Sanmenxia : les agents lui avaient fait ouvrir son huis en se faisant passer pour les recenseurs, un mensonge qui a fait le tour du pays en un éclair…
D’autres habitants doutent de la capacité et volonté de l’Etat à produire, ou à exploiter le tableau réel de la population. Pourtant, tous s’accordent à estimer qu’un tel exercice est plus qu’utile : indispensable pour prévoir les besoins d’avenir, à partir des tendances démographiques. En un mot, ce pré-recensement laisse à l’administration un arrière-goût amer, miroir de la confiance dont elle jouit dans la rue, quant à sa capacité à respecter la vie privée des gens.
Sommaire N° 29