Quand Tom Donilon et Larry Summers, fonctionnaires américains viennent à Pékin (6-8/09), la Chine se donne du mal pour les accueillir. Li Yuanchao, patron de l’organisation du Parti les reçoit, suivi de Wang Qishan pape de l’économie, du chef de l’APL, l’armée, Xu Caihou, Yang Jiechi ministre des Affaires étrangères, Zhou Xiaochuan gouverneur de la Banque centrale, Xie Furen ministre des Finances, sans oublier Wen Jiabao et même Hu Jintao…
Toutes ces faveurs pouvaient sembler étranges, au moment où Alain Juppé, ex-1er ministre français (de rang bien plus élevé) n’est reçu avec sa délégation bordelaise que par Yang Jiechi et un conseiller d’Etat. Mais tout s’explique, quand on sait que ces hôtes sont les très spéciaux envoyés d’Obama, éminences grises de la Maison Blanche, experts en sécurité et monnaie. De surcroît, ils passent pour peu commodes, et peu connus pour leurs sympathies chinoises. Obama aurait choisi cette mission musclée et profil bas, un peu à titre d’avertissement, suite aux échecs au printemps, des missions de Tim Geithner, le secrétaire aux Finances, d’Hillary Clinton aux Affaires étrangères et de Robert Gates, le secrétaire à la Défense que l’APL avait refusé de recevoir en juin.
On ne traite pas les Etats-Unis comme cela. Ces huit mois de tension étaient d’autant plus mal venus, qu’Obama fait bientôt face au rendez-vous de mi-mandat, avec une opinion qui attend plus de fermeté envers la Chine. Le Congrès ressort sa menace de la loi Shumer imposant de lourdes taxes sur tout import chinois, par rétorsion envers un ¥uan jugé manipulé—Obama lui-même doit à nouveau statuer sur la question en octobre.
En juin, Pékin a bien « libéré » son Yuan du lien au dollar, mais ce fut pour le laisser stagner au même niveau (+0,6%).
En déclarant de «nouveaux progrès» dans la relation sino-américaine, Hu Jintao met aux oubliettes toutes les grognes chinoises depuis janvier, les ventes d’armes à Taiwan, l’audience au Dalai Lama—« offense » qui pour d’autres pays, se paie en années de froid. En même temps, Pékin multiplie les promesses, celle de Xi Jinping devant la CNUCED (Conférence des Nations Unies sur le Commerce et le Développement) à Xiamen de rétablir pour les firmes étrangères l’égalité des chances sur les marchés publics, celle de Chong Quan, le n°2 du Commerce International, de renforcer l’import pour réduire l’excédent commercial (lequel, après avoir doucement redescendu pendant 18 mois, vient d’atteindre 28MM$ en juillet, et 20MM$ en août)…
Summers a donc rencontré tous les décideurs chinois sur la monnaie, tandis que Donilon s’expliquait avec ceux en charge de l’Iran et la Corée du Nord, sur les suites à donner au torpillage de la frégate sudiste Cheonan.
Le tapis rouge déployé aux deux conseillers suffira-t-il à détourner le couperet de sanctions commerciales américaines, aux conséquences insupportables? Un échéancier, sur le Yuan a-t-il été pris? Comme son prédécesseur avant lui, Obama souhaite l’accommodement. Tant les intérêts sont liés, l’accès au marché américain pour la Chine, et pour les USA le soutien du US$ qui constitue 64% des réserves chinoises en devises.
Enfin, sur la suite des événements, on annonce la reprise des relations militaires dès le mois prochain, et Wen comme Hu sont invités à Washington, pour revoir Obama début 2011 : signe que l’amitié est obligatoire, au nom de ce que T. Geithner nomme joliment « l’équilibre financier de la terreur »!
Sommaire N° 29