Est-il juste de détecter, comme le fait le politologue Willy Lam, une fissure dans le tandem Hu Jintao/ Wen Jiabao ?
A moins de deux ans du XVIII. Congrès du Parti Communiste Chinois qui sonnera pour eux l’heure de la retraite, ces hommes de 68 ans tiennent des propos parfois dissonants. Wen Jiabao ne perd pas une chance de soutenir la réforme politique, comme à Shenzhen (cf VdlC n°27) où il avertit contre tout retour en arrière. Hu Jintao n’en dit mot, mais se retranche dans la diplomatie, et dans un pilotage obsolète de l’appareil. Secondé par le chef de l’idéologie Li Changchun et celui de la propagande Liu Yunshan, il s’efforce de revivifier le Parti par des campagnes de «sinisation et popularisation du marxisme». Il voudrait aussi que Wen Jiabao cède les rênes de l’économie à son dauphin Li Keqiang, pressenti 1er ministre en 2012. Wen ne veut rien savoir, préférant en la matière s’appuyer sur son propre protégé Wang Qishan, Vice Premier.
Et c’est alors que remontent d’insolites rumeurs : Xi Jinping et Li Keqiang, le tandem «de 6ième génération» désigné dès 2008, semblent soudain tous deux broncher devant l’obstacle.
[1] En 2009 à la surprise générale, Xi Jinping, futur n°1 n’avait pas été promu n°2 de la Commission militaire ccentrale, quoique son prochain poste de chef suprême inclue la direction de l’APL, l’armée chinoise. Selon la rumeur qui sourd à présent, cela n’aurait pas été suite au barrage de Hu Jintao (pour redonner l’avantage à Li Keqiang dans la course au pouvoir suprême), mais de son propre refus, estimant n’ avoir pas en main la marge de manoeuvre pour réussir. Cette année il aurait enfin accepté le poste, après avoir obtenu la rédaction d’un XII. Plan quinquennal favorable à l’ouverture.
[2] Quant à Li Keqiang, il tergiverserait aussi sur le poste de futur 1er ministre, et souhaiterait le perchoir (moins risqué) de la CCPPC, la Conférence Consultative Politique du Peuple chinois.
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En marge de ce climat pesant, on note aussi un bétonnage de la censure, contre les «3 vulgarités», et l’humour «obscène». Pour sa verve trop verte, le comédien Guo Degang est interdit de TV, ses livres et CD retirés des rayons. Xiao Shenyang et Zhou Libo sont aussi visés, ce dernier pour avoir trop fait rire la Chine en imitant Mao, Jiang Zemin et Wen Jiabao.
Depuis quelques jours, tout portail internet doit désigner un «commissaire d’autodiscipline», responsable en cas d’absence d’auto-censure. Tous les grands sites comme Sina, Sohu ou Netease s’y sont déjà pliés. Depuis le 01/09, tout nouvel abonné au tél. mobile devra décliner son identité. D’ici 2012, les 800M d’usagers devront être déclarés en clair.
Puis de nouvelles règles prohibent aux journaux de s’échanger leurs brûlots d’une province à l’autre (afin d’échapper à la fureur des corrompus épinglés) et de faire leurs reportages d’ actualité nationale ou internationale : ils devront reproduire ceux de la presse officielle. Et pour sûr, la publication de médias privés reste interdite, tel Duchangtuan, le magazine lancé cet été par le bloggeur Hanhan: faute de vraie licence, aucun éditeur n’ose désormais le publier. Qu’on ne s’y trompe pas, tout ceci exprime l’inquiétude de l’Etat face aux progrès fulgurants de la liberté de presse. Ainsi le 25/09, suite à des brimades policières, 9 journalistes chinois ont manifesté sur le site de la catastrophe de Henan Airlines, contraignant le commissaire local à s’excuser platement de son acte.
Cette inquiétude ne ressort jamais si clairement que face à Wikileaks, l’organisation mondiale qui met en ligne des secrets d’Etat. Cet été, elle a présenté 30 vidéos censurées sur les émeutes de Lhassa en 2008. Suite à quoi le 21/08, un sommet rassemblait à Pékin Hu, Xi et des douzaines d’autres, sur la manière de prémunir le Parti contre les fuites de Wikileaks et de son homologue chinois Boxun. Une menace sans précédent à la confidentialité du régime -qui était jusqu’ alors une de ses forces incontestées !
Sommaire N° 28