A la loupe : Écoles—une rentrée mutante

Le 1er septembre à travers la Chine, de Gyantze (Tibet) à Sanya (Hainan), 220millions de mômes du primaire et du collège se pressèrent, cartable au dos vers la rentrée des classes – l’équivalent des populations du Pakistan et du Canada réunis devant le tableau noir : record scolaire mondial.

Manquaient cependant à l’appel ce lundi quelques écoles ou groupes scolaires:

[1] Les maternelles sous représentées, car non obligatoires : les villes les plus riches s’en équipent aujourd’hui par centaines, dont 96 à Shanghai. [2] Les écoles pour migrants, non financées par les villes qui au contraire les briment pour non-respect aux normes (pratique qui devrait changer, avec le XII. Plan). [3] Sur le parcours du cyclone Kompasu de force 2, des villes de la côte comme Shanghai, ou de Taiwan (Kaohsiung) avaient retardé leur rentrée, le temps de le laisser passer. [4] Partout en Chine, des municipalités renforcent leurs écoles contre les séismes, visant une résistance jusqu’à force 9 : la leçon du drame du Sichuan en 2008 n’a pas été oubliée -avec ces dizaines de milliers d’écoliers ensevelis sous leurs « écoles de tofou ». A Pékin, 512 établissements étaient en rénovation depuis mai, dont 95 encore en chantier au 1/09 : les élèves se sont retrouvés en préfabriqués, ou en une semaine de camp type « cadet militaire», ou à la maison, à poursuivre l’écrasant programme de lectures, révisions et rédactions confié avant l’été.

Ce souci sécuritaire est récent, fruit de l’enrichissement permanent. Il se voit aussi dans le renforcement des gardes armés aux portes des écoles – le syndrome des infanticides fous du printemps reste présent. A Shanghai, les kindergardens sont tenus de salarier deux vigiles. A Canton, les parents n’entrent plus dans l’école, sauf enregistrés. A Chongqing, ville tentaculaire, 45.000 policiers veillent sur les écoles des 42 quartiers ou cantons…

Une fois dans leur salle de classe, ou bien la grande salle des fêtes, ces 220M de chères têtes brunes ont visionné le même film au même moment, à la TV : « mon rêve, rêve de Chine», superproduction de 100 minutes qui poursuit le vieux projet de Jiang Zemin et de Hu Jintao de «société spirituelle socialiste». Différentes stars ou héros nationaux s’y produisaient pour donner l’exemple, tels Ma Yun, chevalier d’industrie et PDG d’Alibaba Networking technologies, Yuan Longping, le «père du riz hybride», ou l’acteur Jet Li (Li Lianjie), qui déclarait : « le rêve d’un parmi nous n’est rien, mais notre rêve à tous rassemblé, devient géant » : ce message-là patriotique, unitaire et de discipline, est celui de l’appareil et de la tradition rouge—du passé incontournable. Cependant ces célébrités étaient là pour valider aussi un tout autre message: «pour réussir, il faut un rêve, et une fois ce but fixé, il faut travailler dur pour l’atteindre».

En ce sens, la cuvée 2010, sous l’angle idéologique, marque une transition, laquelle reflète aussi la mutation rapide de cette société : associant les thèmes du passé collectiviste, à un vent nouveau de créativité et la personnalité, lesquelles doivent former la base d’un futur esprit citoyen individuel. Ce dernier ne faisant plus peur au Parti, ni à l’appareil : c’est un tournant!

Les enfants ne s’y sont pas trompés : lors des débats conduits dans des dizaines de milliers d’écoles, ils ont eux aussi réagi de manière moins monolithique, entre la discipline et la démarche personnelle. Dans cette classe de Zhouqu (la ville martyre, frappée cet été par une coulée de boue), cinq jeunes de 10 ans se sont dits volontaires pour s’engager dans l’armée ou la police « au service du peuple », tandis qu’un autre au moins, voulait se faire milliardaire à la Bill Gates, pour doter son pays d’un logiciel Windows aux couleurs locales, made in China !

 

 

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