Soldées par 1435 morts et 350 disparus — la plupart sous des mètres d’épaisseur de limon, les coulées de boues à Zhouqu (Gansu), le 8 août, ont causé dans la nation entière un examen de conscience, en dévoilant soudain l’immense retard dans l’infrastructure de prévention.
Faute d’un radar-météo, Zhouqu n’a pas su donner l’alarme une heure à l’avance, qui lui eût permis d’évacuer jusqu’ à 80% des habitants. Quant aux digues de 1995, le professeur Chen Ningsheng, envoyé de Pékin pour enquêter sur les causes du drame, fit sur elles un verdict sans appel : les digues étaient de «tofou»,trop minces et sans renforts auxiliaires. Elles auraient même aggravé le bilan, en relâchant avec l’avalanche les sédiments accumulés les années précédentes.
Or, Zhouqu n’est pas un cas isolé, et le changement climatique n’est plus un phénomène que le Conseil d’Etat puisse mettre en doute: de janvier à juillet, suite à 14 fronts de pluie violentes, le pays a souffert de 26000 désastres naturels, dans 28 provinces: le quadruple de 2009, avec +170% de morts (843). Et l’automne promet d’autres déluges, sous l’effet d’une vague mondiale de La Niña…
Sous le choc, l’Etat a annoncé ses premières mesures de prévention:
[1] 200MM¥ au reboisement d’ici 2021—mais c’est moins que ses invests de ’99-2009 (233MM¥).
[2] l’ordre aux villages d’évacuer de force en cas de coulée imminente.
[3] 15.000 paysans autour de Pékin vont être déplacés.
[4] Entièrement rebâtie, Zhouqu, la ville martyre, recevra un système de prévention hors-pair, à 328M$.
Dès le 15/07 le Conseil d’Etat publiait un règlement de mitigation des désastres, supprimant bien des flous. Désormais en cas d’incendie, crue, glissement de terrain etc, les gouverneurs et maires devront obéir aux ordres de l’agence nationale ad hoc, et lui fournir moyens de transports et radio-téléphones. Ils devront présenter leurs plans, et former leurs équipes de 1ers secours. Et suite à l’évaporation de plus de la moitié des donations faites aux victimes du séisme du Sichuan en 2008, la supervision des donations est réorganisée: les pouvoirs locaux devront publier les listes complètes des donateurs, des fonds et leur usage, et les dénonciateurs de détournements devront être protégés.
Autant de mesures de bon sens, mais qui ne suffiront pas. A Zhouqu, la cause de la coulée de boues est la fondation de la ville en fond d’une vallée. Nationalement, 240.000 sites tels sites vulnérables aux risques sismiques et telluriques ont été identifiés—et la liste n’est pas complète, un tiers des 26.000 désastres de l’année, y manquant: face à telle soif aveugle de terre, des accidents sont inévitables, et toute une politique est à revoir !
Un autre acteur du drame est le réchauffement global, dont l’Etat doutait encore récemment, et qui le met à présent en porte-à-faux face à l’opinion. Face au monde, et à sa recherche d’un plan solidaire de restriction des émissions de CO2, Pékin prétend toujours attendre « des riches » qu’ils agissent seuls, en premier. Mais il réalise aussi que surpeuplé et surpollué, son sol pourrait bien être en fait plus fragile que d’autres. Et il ne peut plus empêcher sa presse de l’aiguillonner jour après jour pour qu’il «assume ses responsabilités de 2de puissance industrielle mondiale » (China Daily).
En octobre à Tianjin, la Chine reçoit les pays du monde, ultime meeting avant le sommet de Cancun (novembre 2010), en quête d’un plan climatique planétaire. On verra alors si le régime est déjà prêt à abandonner la poussiéreuse rhétorique pour s’engager en partenariat avec le monde, dans ce qui l’angoisse le plus : des engagements contraignants.
Sommaire N° 27