Temps fort : XII. Plan – le grand tournant arrive

Depuis des mois, au sein du Parti, dans la presse et les milieux d’affaires, un débat intense accompagne la négociation du XII.Plan (2011-2015). Outil d’ordinaire pâle et prédictible, il promet cette fois un tournant radical de la société chinoise: une réforme politique graduelle, désormais acceptée, rendue inévitable par la masse des déséquilibres qui hantent le pays.

Signal fort : la révision du code pénal, à l’ANP, le Parlement, cette semaine, élimine 13 des 65 cas de peine capitale, dont la fraude fiscale, le trafic de reliques, et tout crime, passé 75 ans. Après le recours donné en 2007 au Juge Suprême pour toute condamnation à mort, c’est un 2d recul (symbolique) du verdict suprême.

En août, à l’exception notable de Hu Jintao, les leaders y vont l’un après l’autre de leurs petites phrases en tournées d’inspection, pour marteler le nouveau concept: Wen Jiabao à Shenzhen (sur le thème «réformer, ou perdre l’acquis économique»), le Vice-Président Xi Jinping à Pékin (sur la réforme du Parti), le vice 1er Li Keqiang à Hangzhou, le n°1 de la CCPPC Jia Qinglin à Canton (sur le recadrage économique)…

Le voyage de Wen Jiabao, surtout, est signifiant. D’abord du fait de son passé réformiste— le 1er ministre, fin des années ’80, était le bras droit du Secrétaire du Parti Zhao Ziyang, fer de lance des idées nouvelles. Et comme date de son voyage, il a choisi le 30. anniv. d’une autre tournée historique à Shenzhen par Deng Xiaoping, laquelle devait arracher le pays de l’ère maoïste.

Ce voyage permet de décrypter, via le langage codé de Li Luoli (n°2 d’un centre de recherche local), une expérience qui sera annoncée lors du Comité Central d’octobre 2010, expérience en vase clos dans la Zone économique spéciale, de réforme démocratique sans précédent. Parmi les tests envisagés figurent notamment :

-des élections de base, au Parlement, à la mairie de Shenzhen,

-de nouvelles taxes -TVA, impôt/revenu, droits de succession,

-la séparation de la justice (moins dépendante) et du Parti,

-le démantèlement partiel de la censure. Ces deux dernières visent à brider la collusion entre business et Parti, la corruption, et enrayer la désobéissance chronique des cadres en province.

Après 5 à 10 ans, ces réformes seraient étendues à la nation, avec prudence, selon le principe de Deng Xiaoping de «traverser la rivière en tâtant les pierres» (摸着石头过河, mō zhe shítou guò hé).

L’idée de fond est aussi d’enrayer le fossé croissant entre riches et pauvres : de taxer les riches, pour financer une politique sociale. Selon le prof.Wang Zhenyao (Président de l’université Normale de Pékin), l’Etat doit trouver au moins 100MM²/an de 2011 à 2015 pour financer ce rattrapage des laissés pour compte, créer 100M d’emplois en 5 ans, dont 30 à 50M d’assistance sociale au service de la couche grandissante du 3ème âge -Pékin seule nécessiterait 5 à 7 assistantes par « communauté » ou bloc.

Un chapitre spécial va aux 150M de migrants, que l’Etat veut convertir en citadins à part entière: Wang rêve d’un fonds spécial pour financer 9 ans d’école aux enfants migrants, et pour leurs familles, une caisse nouvelle de sécurité sociale. Ainsi, sous 5 ans, la population urbaine passerait de 46 à 52%, soit 700M de consommateurs. De grands changements sont aussi à l’étude pour le logement social, avec la fondation d’une structure étatique d’immobilier à bas prix, prioritaire pour les crédits et terrains, en concurrence avec les promoteurs.

Dans le domaine industriel, le XII. Plan va punir les usines « gaspis » (les 2085 tout juste estampillées polluantes), et rationaliser des secteurs tels ceux des terres rares, des aciéries, du ciment etc. Les deux actions étant complémentaires.

Comme on le voit, ce XII.Plan, façonné par Xi Jinping, futur maître du pays, est aussi ambitieux que plein de zone d’ombres. Tout restera en négociation jusqu’à octobre prochain, au Plenum du Comité Central. Ce qu’on voit le moins, est le groupe (sans doute hétéroclite) de ses opposants. Mais la direction est claire. Cette réforme politique prudente et réaliste a d’ailleurs un atout-maître, celle de n’avoir pas d’alternative : depuis début 2010, l’instabilité gagne du terrain, qu’une police ultramoderne et suréquipée ne parvient plus à contenir , malgré un budget de 514MM¥ (2009), supérieur à celui de l’APL plus que l’armée (480MM¥) !

 

 

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