Editorial : Politique monétaire — un coup d’épée dans l’eau

Tous comptes faits, le grand virage monétaire annoncé en fanfare le 19/06 par la Banque centrale, n’est pas si aigu que cela. La Banque populaire de Chine se disait d’ accord pour briser le peg de 6,81RMB /1$ qui maintient depuis 23 mois la monnaie du peuple à un niveau artificiellement bas: le RMB s’étalonnerait dorénavant sur un panier de monnaies. Mais elle excluait d’avance, au nom de la «stabilité » du Yuan, toute réévaluation brutale, ce qui ôtait toute dent et griffe à son annonce.

La veille encore, Pékin déniait à l’Union Européenne et aux USA le droit d’aborder ce sujet lors du G20 de Toronto (26-27 /06). Aussi le revirement de la Banque centrale, flou et peu concluant, incitait le Congrès américain à douter de la sincérité de la manoeuvre, destinée selon lui à temporiser. D’ailleurs le 23/06, le ¥ bougeait … à la baisse (-0,23%), après avoir un peu monté la veille (+0,47%): comme pour rappeler que la Chine garde sur sa monnaie une main de fer.

Le même jour, Caijing (journal financier) épaississait la brume en citant le vice-premier ministre Li Keqiang, comme auteur de la réforme, avec son discours paru en février dans Qiushi (revue théorique), qui plaidait pour l’objectif de « stabilité » et d’un taux de change « raisonnable et équilibré ».

Pourtant au sein de l’appareil, les voix discordantes ne manquent pas sur le sujet. Tel Xi Jinping, vice-président ET rival de Li Keqiang dans la course au pouvoir, lequel préconise (17/06) une hausse « graduelle et en toute indépendance ». Tel aussi Chen Deming, ministre du commerce, notoirement hostile à la réévaluation. D’où l’hypothèse audacieuse d’analystes anglo-saxons: les ennemis de Li Keqiang auraient dévoilé sa paternité du plan contesté, dans le seul but de le mettre en difficulté en cas de suites négatives à l’avenir, par exemple sur les exportations. Selon la même source, Hu Jintao serait intervenu pour protéger Li Keqiang, son dauphin, en canalisant cette révélation vers Caijing, publication moins voyante…

Il se trouve que les 20-23/06, Xi était en Australie pour restaurer des relations tendues par les 10 ans de prison imposés en mars à Stern Hu, le représentant en Chine de Rio Tinto et par un visa australien accordé à Rebiya Kaader, l’égérie ouighoure. A Melbourne, Xi signait pour 9MM$ de contrats (mines, énergie, télécoms), et parrainait un projet de Wuhan Steel de reprise de 8% du charbonnier Riversdale, et de 40% de sa mine du Zambèze, pour 800M$ de cash. Quoique arrivant sur place en pleine crise de démission de son hôte K. Rudd le 1er ministre, Xi se donnait la stature de l’homme relançant les liens avec ce partenaire stratégique, aux échanges bilatéraux de 76MM$ l’an passé.

Puis comme pour disputer à son n°2 les feux de la rampe diplomatique, Hu s’envolait (23-28/06) vers le G20 et le cabinet Harper à Ottawa, (sous prétexte du 40. anniversaire des relations) – là aussi pour enterrer des années de rapports médiocres. Aujourd’hui, en peine de marchés frais, le Canada éteint ses critiques «droits de l’ homme». Hu rouvre les importations bovines, et inscrit le pays à la feuille d’érable à la liste convoitée des «destinations touristiques privilégiées». Le but commun étant désormais de doubler les échanges à 60MM$ d’ici 2015. De façon symptomatique, en échange de ses largesses, Hu réclame un geste: l’extradition de Lai Changxing, escroc réfugié depuis 10 ans au Canada…

Tels sont les pas actuels des leaders chinois, liés à la préparation de la succession de Hu Jintao, attendue en 2012 au 18ème Congrès de 2012. A défaut de pouvoir suivre les batailles et leurs issues, on repère les camps respectifs : celui de Hu (son bastion de la Ligue de la Jeunesse) avec son dauphin Li Keqiang, face au clan des shanghaïens avec Xi Jinping pressenti comme futur n°1, et pour outsider Bo Xilai, le chef de file des «petits princes », fils des apparatchiks !

 

 

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