La Chine est bien consciente de la condition sine qua non qui se pose à elle, pour se hisser au premier rang des nations : tisser ses liens industriels, commerciaux et politiques avec les continents, à commencer par l’Asie. Mais depuis 18 mois, la locomotive peine dans la montagne de sa diplomatie régionale : commerce et projets communs font du sur place et la méfiance remonte, sous le poids de la récession, et du problème ressurgi de la Corée du Nord.
Confronté au spectre du protectionnisme et des replis nationalistes, le pouvoir ne peut se permettre de rester assis Après avoir reçu la Présidente indienne Pratibha Patil, le 1er ministre Wen Jiabao reprend son bâton de pèlerin, en tournée à travers Corée, Japon, Mongolie et Birmanie, pour relancer la machine d’intégration et de liens, sans jamais rien céder sur aucun dossier de fond, tout en combinant opération de séduction et projets de coopérations pragmatiques…
Corée du Sud (29-30/05): il s’agissait du «trilogue» évoqué au VdlC n°20, entre Président coréen et 1ers ministres nippon et chinois. Sous la tension de l’attentat maritime du 26/03, on a vu Wen Jiabao, sans léser son alliance avec le pays du matin calme, s’ingénier à réciter aux pays voisins ses formules de solidarité, tout en remettant «à plus tard» son propre verdict. Il exprime la valse hésitation chinoise entre deux types de liens inconciliables : la fraternité socialiste d’hier, « indéfectible » jusqu’à la déraison, et la construction d’une union multinationale de l’avenir, technique et sociale, inspirée par l’Europe.
Les échanges avec Séoul ont chuté de 16% en 2009, à 156MM$. Mais la convalescence régionale les ont faits repartir à +50% au 1er trimestre, permettant d’espérer franchir 200MM$ en décembre 2010, 300MM$ en 2015 si l’accord tripartite de libre échange voit d’ici-là le jour. A ses partenaires, Wen proposait un traité de protection des investissements, un secrétariat destiné à renforcer recherche et standardisation: autant d’outils innovants, précurseurs d’une confédération ou union asiatique.
NB : au chapitre « charme », Wen Jiabao prit son bain matinal de foule sud-coréenne dans un parc de Séoul, joggant et défiant quelques jeunes au badminton.
Japon (31/05-01/06): tout en réitérant ses appels à la patience sur l’affaire du Cheonan, Wen s’efforça aussi de séduire Tokyo par son image ronde de «père de famille» : autre jogging, échange de quelques balles de baseball avec des étudiants, soirée-ballet, «haiku» (en chinois) sur l’amitié, rencontre avec l’Empereur Akihito… autant de scénettes simples, efficaces, très étudiées pour rassurer.
Sur le fond, quoiqu’il revoie pour la seconde fois en 24h son collègue Hatoyama, rien n’est sorti des entretiens. Les deux hommes sont convenus de reprendre le dialogue interrompu sur le partage (pétrolier) de la mer de Chine, la sécurité des produits alimentaires, et le passage de la marine chinoise entre les îles nippones. Tokyo aurait rêvé que la Chine renonce à sa percée militaire vers l’océan Pacifique. Wen Jiabao s’est contenté d’offrir à Hatoyama un « téléphone rouge », pour communiquer plus vite en cas de crise. Pour autant, Hatoyama, apparemment non déçu, promettait de venir à l’Exposition de Shanghai pour la fête nationale nippone ce mois-ci : promesse de Gascon ! Dès le 2/06, il démissionnait, désavoué par l’opinion pour avoir renoncé à déménager la base américaine d’Okinawa. Pékin n’attendait pas une heure pour féliciter son successeur, l’ex-ministre des finances Natao Kan.
NB: si les politiciens font du sur place, les businessmen vont de l’avant: Taobao et Yahoo-Japan viennent de créer la 1ère galerie virtuelle, rassemblant leurs 250M de clients et leurs 450M de produits en ligne, pour laisser e-Bay des USA, loin derrière (90M de clients).
Sommaire N° 21