Les 24-25/05, à Pékin, le second sommet stratégique et économique (S&E), le plus large jamais tenu entre Chine et USA (qui alignaient 200 cadres et experts menés par Hillary Clinton) avait un air de déjà vu… lors de la récente visite du Président français N. Sarkozy. Dans les deux cas il s’agissait d’enterrer un malaise soulevé par une rencontre avec le Dalai Lama (aggravée, chez Obama, par une livraison d’armes à Taiwan). Dans les deux cas, disparaît le dossier droits de l’homme, hier encore, l’occasion de leçons assénées au côté chinois. Dans les 2 cas enfin le contrat est rempli, en apparence : le vice 1er Wang Qishan conclut que «nous sommes désormais plus capables de gérer nos différences… de façon plus rationnelle et mature»…
En matière monétaire, le Président Hu Jintao promit des « pas nouveaux » vers la convertibilité du yuan. C’est la plus ancienne demande du Nouveau monde à la Chine, dont la «monnaie du peuple» sous-évaluée- certains disent jusqu’à 25%- contribue en 2009 au déficit commercial américain de 228MM$. Mais l’offre ne lui coûtait rien, puisque dénuée de contenu ou de dates.
De même, Pékin promit pour juillet une offre révisée devant l’OMC, d’ouverture de ses marchés publics d’une valeur de 82MM$. Il évoqua aussi une solution (floue) à la discrimination enclenchée contre les industriels étrangers, au nom de la protection de l’«innovation technologique autochtone ».
Tim Geithner, le grand argentier américain concéda que « la réévaluation du yuan était l’affaire de la seule Chine » : manière de couvrir Pékin pour toute concession future de sa part. En tout état de cause, aucune réévaluation du ¥ ne semble plus possible en 2010, la chute de l’² faisant craindre à la Chine le recul de ses marchés européens. On voit donc les positions figées: côté Congrès, l’épée de Damoclès d’une taxe fédérale sur les exports d’une Chine jugée «manipulatrice de sa monnaie», et côté chinois leurs 895MM$ de bons du trésor, fort malmenés durant la récession…
De même, sur des dossiers sensibles comme ceux de la Corée du Nord ou de l’Iran, on ne voit officiellement que la bonne volonté courtoise et nulle concession—même si sur le fond invisible, le terrain bouge (cf notre analyse, p2).
Le second sommet a vu la naissance de nouveaux partenariats en matière de sécurité nucléaire civile, de santé publique et de défense de l’environnement. Sur ce dernier sujet, à sept mois du sommet de Cancun au Mexique en quête d’une (introuvable) stratégie mondiale contre le réchauffement global, on aurait aimé sentir un rapprochement annonciateur d’un co-leadership mondial. Mais hélas, Pékin n’en démord pas d’une idée en soi logique: aucun effort international, aucune promesse contraignante n’est de mise côté chinois, tant que la vieille puissance industrielle américaine n’aura démontré sa propre prise de responsabilité en ratifiant sa loi climatique -sa propre promesse de coupe de ses émissions de CO2.
Ce qui n’empêche le pays, au demeurant, avec le dernier sérieux, de préparer l’étape de la décarbonisation de son économie : de source officielle, la Chine pourrait être prête dès 2014 à ouvrir sa bourse des crédits carbone et ses quotas industriels «semi-contraignants »… agir sans parler…
On relève enfin de ce sommet l’image d’une Chine plus audacieuse, négociant d’égale à égale, portée par une opinion cocardière, sous la hantise de ne pas être traitée au rang qu’elle estime lui convenir. Instinctivement, la puissance émergente semble vouloir reproduire le modèle « impérieux » de l’Amérique, laquelle n’en pense pas moins, et s’apprête à relever le gant.
Au moins, ces deux géants, durant ces deux jours, auront étalé tous leurs différends, avec à l’avance, l’accord amiable de tolérer leurs désaccords, et l’optimisme de les aplanir dans un futur point trop lointain.
Sommaire N° 20