A la loupe : Expropriations -vers un new deal ?

Un matin de 2009, une Pékinoise, ayant fait bâtir au noir un restaurant de montagne, eut la surprise de voir surgir un bulldozer, qui démolit son bien : la ville l’avait repéré par satellite, comme sans licence. Malheureusement limité par la capacité du satellite, ce type de frappe ne cache pas l’incroyable contradiction que vit (sous l’angle de l’immobilier) le régime, victime de son principe constitutionnel de la propriété publique du sol.

Se fondant sur cet outil juridique, les mairies financent notoirement, jusqu’à 60% de leurs budgets sur la vente du droit d’usage du terrain. Lequel expire après 25 voire maximum 70 ans. On exproprie donc à tour de bras. Très basse, la compensation revient au prix payé 20 ans plus tôt par le malheureux «propriétaire». Très haut (jusqu’à 100 fois l’invest), le prix de revente, est fixé en collusion par le rond de cuir, le financier et le promoteur. Gargantuesque, l’appétit du marché est nourri par l’exode rural.

Pour 70 métropoles en 2009, notre confrère du New York Times relève que ces expulsions-ventes à l’esprit peu socialiste, totalisaient 158MM$. Plus grave : à présent que l’export s’essouffle et que les autres espaces de création de valeur (bourse, industrie) marchent de moins en moins, il ne reste à ces administrations que l’immobilier pour se financer—sans regard ni pour les besoins du client ni pour ceux du spolié. Ce qui se traduit par une courbe exponentielle de ces adjudications qui, dans les 70 villes citées, augmentaient de 140% en 2009.

Tout ceci annonce pour la Chine une nouvelle crise, de limite systémique et développement non-durable. Pas un mois ne se passe dans le pays sans un nouveau cas de « maison-clou », dont le propriétaire se défend contre les milices mafieuses des développeurs. Dernier cas, dans le Hebei à Guangping : 330.000m² ont été démolis du 18 au 28/03, leurs 1000 familles étant en partie contraintes à dormir sous la tente à côté des décombres. Les plus chanceux ont reçu 300-570¥/m², les moins, rien du tout. La mairie promet à tous jusqu’à 900¥ (plus 2000¥ de prime) – le relogement le plus modeste coûte 1500¥.

Or, typiquement cette mairie (surtout de province ou de banlieue, zones de moindre droit) ressent le besoin de faire vite : les décrets protégeant les occupants arrivent. Pas encore voté, au stade du projet, le dernier règlement exige consultation des propriétaires, voire leur vote aux 2/3 de l’accord obtenu, le respect d’un prix du marché et le blocage de la démolition durant les palabres. Aussi autour de Pékin, des villages comme Laogucheng multiplient les équipes de démolisseurs et de nervis, face aux 600 propriétaires espérant que leurs masures tiennent debout jusqu’à la sortie du texte.

Suite à un suicide d’expulsé, Pékin a nommé une com-mission dirigée par un vice-maire, qui a lancé un pro-gramme-test sur 2 villages (Dawangjing et Beiwu), pour un meilleur partage de la galette. Deux villages et non pas trois, sur les centaines promis au marteau piqueur d’ici 2011… Comme quoi ici comme ailleurs, les meules du progrès social s’entrechoquent avec celles de la corruption !

 

 

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