Le verdict passé contre Huang Guangyu, le 18/04 à Pékin, force la Chine —celle corrompue—à réfléchir.
L’ex-PDG de Gome (国美, Guomei), n°1 de la vente d’électronique sera en prison jusqu’en 2022 (14 ans, moins les 17 mois déjà servis). Il se voit taxé de 110 M$, + 205M$ par la bourse de Hong Kong!
Destin formidable! Démarrant à 20 ans avec 4400 ¥ de capital, ce fils de paysan a monté une chaîne de distribution, entre 200 villes, 1200 succursales, 300.000 emplois. A son arrestation à 39 ans, il était la 1ère fortune du pays (6,3MM$).
Succès étonnant, mais non irréprochable. Pékin lui reproche des délits d’initié sur des titres Sanlian Commercial et Centergate. Surtout, Pékin ne peut lui passer 4,56M¥ de bakchichs, versés de 2006 à 2008 à cinq hauts fonctionnaires pour des passe-droits en faveur de Gome et Pengrun, sa filiale pékinoise d’immobilier. De ce fait tombèrent Zheng Shaodong vice ministre de la sécurité publique, Xu Zongheng maire de Shenzhen, Chen Shaoji n°1 de la Conférence Consultative Politique du Peuple chinois à Canton, Wang Huayuan chef de la brigade anticorruption de la province sudiste. Comme dans l’affaire Lai Changxing, qui en 2000, avait coûté 14 peines capitales à des apparatchiks, l’Etat fait partager au corrupteur la faute des corrompus.
Les frappes anti-corruption ne datent pas d’hier. Mais sous Hu Jintao, la fréquence et la lourdeur de telles frappes s’intensifient. Mou Qizhong, milliardaire, a pris la perpétuité. Zhou Zhenyi, célèbre développeur à Shanghai, purge 16 ans. Li Peiying ex-chef de l’aéroport de Pékin est exécuté en août 2009, comme Xiao Shiqing, patron de Galaxy Securities… La liste est longue.
Sous le tandem Hu Jintao/Wen Jiabao, l’Etat réalise que la corruption s’emballe et met une priorité nouvelle à l’éradication de cette « menace directe à notre maintien au pouvoir » (Wen Jiabao). Avec la pollution, la corruption est la cause première des 90.000 émeutes en 2009. Le 19/05, l’Etat prévient : tout cadre surpris à empocher plus de 5000¥ sera poursuivi. Le 20/05, Guo Qingyi, ex-Mr anti-monopole au Ministère du commerce écope de la prison à vie pour 1,24M$ de cachets, dont 15% de Gome…
De façon très nette, la chasse anti-bakchich brasse beaucoup plus large que la simple interaction entre firmes locales et agents de l’Etat :
[1] Des mesures s’annoncent contre les officiels «nus» ayant envoyé femme, enfants et fortune hors Chine pour mieux frauder et filer le moment venu.
[2] Contre l’expatriation, le filet se resserre, démontré par l’affaire Rio Tinto (4 verdicts de 4 à 14 ans).
[3] Pour la 1ère fois, le régime se penche sur l’armée, reconnue un des foyers les plus virulents de prévarication. 4000 officiers dont 100 supérieurs verront 1000 auditeurs éplucher leurs comptes depuis 2006. Au moins 80% de leurs subordonnés seront entendus. La délation anonyme, même civile est encouragée. Ce que l’on traque, est le détournement de fonds des exercices terrestres, navals et aériens jusqu’alors couverts par le secret militaire. L’audit est sous les ordres du major général Li Qinghe, qui rapporte directement à Hu Jintao. Puissante et inattendue, cette action a pour objet de calmer la colère des hommes du rang, les oubliés de la fortune kakie. Mais elle révèle aussi la puissance du réseau de soutien de Hu Jintao, bien établi après 7 ans aux affaires.
En résumé : le régime fait feu de tous bois : contre les administrateurs du stimulus (3058 poursuivis), contre les chevaliers d’industrie, contre les étrangers, les officiers: découvrant sur le tard que pour tuer l’hydre, il faut couper toutes ses têtes à la fois. Une hydre qui, selon l’économiste Andy Xie, dévore 10% du PNB, force les prix de l’immobilier aux niveaux insupportables qu’il connaît actuellement, et fait peser la menace d’éclatement de la bulle, danger pour la pérennité du régime !
Sommaire N° 19