Editorial : Politique Immobilière – virage à 180°

Sans en avoir l’air, c’est lors de la trêve du 1er mai que Pékin choisit de brider l’immobilier, freinant le fleuve en centaines de milliards d’² qui porte la croissance chinoise.

Depuis le 17/04 en fait, pas un jour ne vient sans qu’une agence de l’Etat, la Banque centrale, la commission de régulation bancaire (CBRC) ou le Ministère du sol ne rajoutent un plat au menu de cette campagne tous azimuts. En voilà quelques unes, tantôt nationales, tantôt municipales, signe que le volontarisme traditionnel du socialisme chinois fonctionne à plein, Pékin donnant la musique, les villes l’exécutant à leur manière :

– passé l’achat d’un second bien par foyer (incluant tous les membres de la famille), les prêts sont interdits;

– pour le premier ou second bien, le prêt n’est accordé qu’après un an de résidence, et ne couvre que 50% (voire 40%) du prix contre 70% en 2008. L’intérêt sera 1,1 fois le taux de base (contre 0,8 hier).

– en cas d’infraction, la vente est annulée—au détriment des deux parties.

– une taxe des logis vides se prépare.

-les banques doivent hausser de 0,5%leurs réserves, à 14% aux petites, 17% aux grandes. 60MM² seront ainsi épongés du circuit des prêts. C’est la 3e hausse de ces réserves depuis janvier.

– les promoteurs ne pourront plus gonfler leurs prix à la demande, et voient se fermer pour un temps les portes de la banque et de la bourse.

– Mais le plan épargne le logis social : 180.000 ha de terrain lui sont débloqués, 70% du quota de 2010, dont 40% aux apparts de moins de 90m².

Par ces actions, Pékin veut prévenir l’éclatement de la bulle immobilière, prédite par M. Faber d’ici décembre 2010, et décourager la spéculation tout en logeant les petites gens.

De fait, les feux rouges clignotants se multiplient, tels ces +11,7% de hausse de l’immobilier au seul mois de mars, avec des pics de 59,5% à Pékin et 64,5 à Haikou. En 2009, 80% des salaires passaient dans les hypothèques. De même, toujours à Pékin, 80% des candidats-acheteurs doivent ronger leur frein, faute de pouvoir payer les 26.000¥/m² du marché moyen.

Tout ceci explique que l’Etat, encore hier divisé (craignant l’effondrement) ait fini par se jeter à l’eau. Un geste déjà efficace : la dernière mesure du prix du terrain en mars (indicateur de l’avidité des promoteurs) révèle une baisse de 31%. Idem au 1er trimestre, les banques ont prêté 2600MM¥ contre 4580MM un an plus tôt (-40%). Surtout, au WE du 1er mai, les reventes d’apparts d’occasion atteignaient 211 à Pékin contre 1164/jour en avril, en recul de 82%. Signe que le remède de cheval commence à faire effet.

C’est aussi signe d’une capacité de l’ Etat à gouverner sans céder aux pressions internes, en s’en tenant à une ligne: celle de l’économiste Zuo Xialei: « pour éviter les crises pénibles qu’ont connu Japon, Thaïlande ou Dubai, l’immobilier chinois doit être basé sur la propriété individuelle ». Ce nouveau choix dissipe l’impression des dernières années, que provinces et lobbies ont les coudées franches, le profit tenant lieu de stratégie d’Etat.

Si Pékin sort gagnante de ce pari, on verra un tournant historique: celui de la volonté politique prenant le pas sur l’arbitraire. Il fera bon s’en souvenir, les jours plus trop lointains où la Chine sera prête à réévaluer et/ou à rendre son yuan convertible. Pour y parvenir, les obstacles semblent aujourd’hui insurmontables. Mais en cas de succès, elle aura démontré une capacité gestionnaire supérieure à celle du Japon des années ’80, des Etats-Unis de 2009, de l’Europe de 2010…

NB : ce n’est pas gagné, et d’autres événements dans le monde, ne viennent pas aider Pékin. Le 6/05, la bourse de Shanghai, inquiète de cette campagne, et du dévissage de l’Euro, reculait de 4%…

 

 

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