Temps fort : FINANCE : « Combattre l’action par l’inaction »

Le 19/04, la bourse de Shanghai chuta de 4,8% : le Conseil d’Etat venait de resserrer le crédit immobilier. Il renforça ses mesures le lendemain, affichant ainsi sa volonté arrêtée de refroidir la spéculation foncière, ayant fait voler les prix de 11,7% en moyenne en mars. La réaction mitigée des intéressés semble lui donner raison : les analystes tablent sur une fermeté de la demande malgré le durcissement des conditions, tant la province, l’étranger et les citadins sont avides d’achat d’immeuble.

Par son regard sur la bulle foncière de Tokyo en 1990, l’économiste Takatoshi Ito fait comprendre le désir de Pékin de prévenir l’éclatement de la sienne. Les situations se ressemblent. Comme au Japon d’hier, les prix chinois ont flambé, inaccessibles aux vrais usagers. De même, le crédit est aisé et les taux d’intérêts quasi-nuls : fruit du choix politique de Pékin (comme à Tokyo hier) de garder son ¥ bas. Enfin, pour protéger son patrimoine, en l’absence d’une bourse diversifiée et fiable, le Chinois n’a d’autre choix que d’investir dans la pierre.

Depuis longtemps annoncé, l’éclatement serait inévitable si (à l’inverse du Japon des années ’90), la Chine ne disposait pas de capacité de relance (ses réserves de bras sous-employés), et si elle n’avait déjà pris de réelles mesures d’austérité, telles celles décrites plus haut. On pourrait décrire cela par ce proverbe antique, 静以制动 jìng yǐ zhì dòng, « combattre l’action par l’inaction ».

C’est pour satisfaire ses lobbys à l’export que la Chine garde sa monnaie basse, soudée au US$ (6,83/1). La technique consiste en un rachat systématique obligatoire des devises sur son sol. Or, la démarche attire une masse croissante et hors contrôle de «hot money», transferts spéculatifs attendant tranquillement la réévaluation : depuis 2005, la Chine a dû tripler à 2400MM$ ses réser-ves en devises. Autres effets pervers : quand la monnaie chauffe, tout chauffe, même les coûts de production, incitant les industriels à sortir du pays. Même le marché foncier, fruit inévitable d’une politique monétaire non durable, qui atteint aujourd’hui le point de rupture.

Vu sous cet angle, Pékin tente d’empêcher l’éclatement de sa bulle, et la longue dépression qui débuta au Japon il y a 20 ans : dans l’immédiat, il faut prévenir les émeutes d’oubliés de l’accès à la propriété et l’effondrement d’une bourse minée par la spéculation et l’excès de crédit.

Sous cet angle, d’autres mesures sont déjà prévisibles, à échéance pas trop lointaine : la remontée graduelle des taux d’intérêts (jusqu’à +5%), celle des fonds de réserves des banques (jusqu’à 8%), et bien entendu, l’appréciation limitée du Yuan, évoquée dans nos numéros précédents.

Dernière innovation : sur le territoire de la capitale, un comité de coordination vient d’être constitué pour rédiger un nouveau règlement des expropriations, doté de plus équitables tarifs des compensations. L’instance supervisera toutes les opérations, confisquant les terrains gelés par les spéculateurs et bloquant toute transaction irrégulière. C’est sans doute un signal pour tout le pays. Mais en créant ce comité, Pékin feint d’ignorer qu’il tire 40% de son budget des ventes immobilières, et que sa situation de juge et partie l’empêchera d’accéder à une relation d’indépendance avec promoteurs et banquiers.

Autrement dit, ces crises de la monnaie et de l’immobilier (qui n’en sont qu’une) font prendre conscience d’une étape encore tue, à laquelle le régime n’est pas prêt, mais sans laquelle rien ne se réglera : la fin du monopole constitutionnel de l’Etat sur le sol.

 

 

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