Imposée le 14/04 par la cour intermédiaire n°5 de Chongqing, la peine capitale à Wen Qiang sonne pour cette plus grosse ville du pays (33 millions d’âmes) le début d’une ère nouvelle, et le moment d’un triple bilan.
[1] Bilan de la campagne anti-mafia lancée l’an passé par Bo Xilai, secrétaire du Parti communiste. Ce verdict est symbolique d’une volonté de tolérance zéro. Wen Qiang, 54 ans, avait dirigé la police (comme n°2) durant 16 ans, puis la justice depuis 2008. Sous son règne, 640.000 délits dont 1447 meurtres n’avaient pas même été suivis d’enquête. Le chef d’accusation évoque aussi la protection de 60 parrains mafieux, le viol d’une femme en 2007 et des bakchichs de 12M¥. Au total, la campagne se solde par des centaines de peines dont l’avant-dernière (12/04) est la perpétuité à Wang Xiaojun, tenancier de bordels et casinos gris.
[2] Bilan de la relance économique de la ville. La «promotion» de Bo Xilai, ex-ministre du commerce, à Chongqing en 2008, correspondait au double désir de l’appareil d’écarter un homme jugé trop flamboyant, et faire trouver, par un des meilleurs administrateurs du pays, la recette pour tirer l’Ouest de son arriération. Bo partait avec des pouvoirs, pour faire de Chongqing une Zone économique spéciale modèle -un laboratoire d’éradication de la pauvreté. Dans ce pari, le nettoyage anti mafieux était un «must»: pour justifier un déversement de crédits sans précédents, et convaincre les autochtones de la réalité de leur chance d’avenir.
Aujourd’hui, la métropole du Yangtzé est plus sereine qu’un an en arrière et surtout en plein éveil, nouvelle frontière vibrant de chantiers babyloniens, comme pour rattraper en 10 ans un siècle de croissance. 118MM² sont budgétés sur cinq ans, sur 323 grands projets dont des Twin Towers record du monde de hauteur, 800.000 HLM d’ici 2020, le quadruplement à 55M de passagers/an de l’aéroport de Qiangbei, un métro (1,2MM² en 2010), un hub ferroviaire (0,9MM²), 288km d’autoroutes urbaines (1,7MM²). Avec telles vitamines, la croissance de Chongqing est parmi les plus dynamiques de la nation, avec l’an dernier +14,9% et un encours bancaire de 96MM².
[3] Bilan des chances d’avenir politique pour Bo Xilai.
Après avoir fait de cette ville hier fort médiocre un succès indéniable, et s’appuyant au sein du Parti communiste chinois sur sa faction des « petits princes » (fils d’apparatchiks), Bo s’est inscrit en réserve de la république, de façon évidente lors de la session du Parlement en mars 2010. Le but de toute sa vie, est une place au sommet en 2012. Mais jusqu’à présent, Pékin a une autre vision des choses, soigneux rapport de force entre la faction shanghaienne et de Jiang Zemin (Xi Jinping, qui serait n°1) et celle de la ligue de la Jeunesse et de Hu Jintao (Li Keqiang, n°2). Autre handicap pour Bo: l’opinion pas toujours favorable, le soupçonnant d’ambitions sans borne et de clientélisme sur Chongqing : de vouloir placer ses amis, en cassant ceux du rival Xi…
Aussi, tout bien considéré, les chances de Bo Xilai apparaissent bien minces, et vu son âge (62 ans), son avenir le plus plausible pourrait être une place honorifique à la tête du Parlement (ANP) ou de la CCPPC, porte de sortie !
Sommaire N° 15