Editorial : PÂQUES, QINGMING – East meets West

Par un hasard rare, lundi 5 avril a rassemblé deux des plus significatives fêtes confucéennes et chrétiennes : Pâques (复活节, fuhuojie) et le Qingming (清明), jour des ancêtres.

Pour des centaines de millions de Chinois, ce fut l’occasion de pratiques votives, qui au cimetière, qui à l’église. Preuve s’il en fallait que la Chine a rompu doucement avec l’athéisme de Mao pour renouer avec ses dévotions d’antan, et confirmation que la vieille quête de l’identité chinoise ne peut se satisfaire d’une approche seulement matérialiste de la vie. D’ailleurs ce lundi, ce « East meets West » de la foi révélait d’inattendus parallélismes. L’un et l’autre célébraient le cycle immuable de la vie après la mort. Même le temps semblait partager cette vision oecuménique, avec le ciel le plus pur et émollient de l’année—le 1er vrai printemps.

La journée s’offrit même un miracle, immédiatement porté à l’actif du régime par une propagande opportuniste: la remontée de 115 mineurs emmurés depuis huit jours à Wangjialing (Shanxi). Permettant à ces media de glisser sur la cinquantaine d’hommes ayant eu moins de chance, dans les catastrophes minières de la semaine passée.

Tout cela nous permet d’aborder l’autre sujet discret, mais important des dernières semaines : l’état des relations entre l’empire temporel de Chine socialiste et celui spirituel du Vatican, rompues en 1951. Depuis 20 ans, de nombreux efforts ont été déployés (surtout par Rome) pour restaurer ces liens : rencontres secrètes, entente tacite sur la sélection des prêtres et en 2007, une lettre pastorale de Benoît XVI au ton modéré qui saluait la réunification de facto des deux paroisses —l’officielle et celle de l’ombre.

Un point d’achoppement demeurait: Taiwan, qui n’entendait pas être sacrifié dans cette réconciliation et y perdre sa dernière ambassade d’Europe, tandis que le St Siège éprouvait le plus grand mal à lâcher un des seuls pays au monde qui lui soit demeuré fidèle dans l’adversité.

Mais voilà que tout change, depuis la réouverture en 2008 du dialogue entre frères ennemis chinois par la volonté du Président Ma Ying-jeou. Que Ma soit catholique, même «rénégat», facilite les choses. On assiste à la renaissance de liens entre clergés des deux bords, qui se voient désormais comme un «pont» et coopèrent, par exemple en formation des prêtres. De même, Larry Wang Yuyuan, ambassadeur de l’île au Vatican laisse entendre que Taipei ne fera pas obstacle infranchissable au rétablissement des liens.

Dans ces préparatifs discrets, un dossier est intéressant à suivre : celui de l’élection d’un président de l’Association patriotique catholique (l’organe de contrôle de cette église), pour remplacer Michel Fu Tieshan décédé en 2007. La question fut soulevée en mars lors du Plenum de la CCPPC (Conférence Consultative Politique du Peuple chinois) par Liu Bainian, le vice Président. Le candidat le plus plausible est Joseph Ma Yingling, évêque de Kunming, déjà président de la conférence épiscopale chinoise, mais l’homme est inacceptable au Vatican qui l’a excommunié en 2006, pour s’être fait élire à son évêché en se passant de la bénédiction du Pape. Aujourd’hui, dit la rumeur, les deux bords travaillent à une solution, c’est à dire une «pénitence» de Ma Yingling, ou le choix d’un autre berger.

Il est temps, vu la vertigineuse expansion du catholicisme, comme de toutes les confessions en Chine. Les chinois proches de l’église (ou baptisés) seraient 30M, en grand besoin de cadres, de sanctuaires et surtout de statuts modernes. La normalisation ne peut attendre—son absence cause déjà des dégâts, dans la prolifération des sectes et messies autoproclamés. L’histoire moderne est là pour prouver au-delà de tout doute, que seul un clergé autonome, et non le socialisme, est en état de faire sa propre police.

 

 

 

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