Le 28/03, en provenance d’Helsinki, Xi Jinping le vice Président chinois atterrissait à Gøteborg, seconde ville de Suède, à temps pour assister au transfert du fleuron national Volvo, de Ford à Geely, le groupe privé de Wuhu (Anhui). Drôle d’affaire, aboutissement de 30 mois de discussions compliquées. Geely n’existe que depuis 13 ans, et ne produit que 300.000 voitures/an, le 10ème de SAIC, le groupe automobile public shanghaien. Ce qui n’empêche Li Shufu, son fondateur, de s’offrir ce joyau sans débourser un 分 fen (10ème de yuan) : les 2,7MM$ de l’opération sont prêtés pour moitié par des banques ou investisseurs chinois, pour l’autre par l’étranger.
Geely a eu plus de chance que Beijing Auto qui brigua vainement Saab, que Tenzhong interdit de reprendre Hummer du même groupe GM. Peut-être la taille plus modeste de Geely et son statut privé ont rassuré. Surtout, joué le profond sens des affaires de Li Shufu. En tout cas, c’est pour Geely l’opportunité d’avaler les vitamines manquantes à son passage dans la cour des grands: une marque reconnue (2500 concessionnaires dans 100 pays), et de la technologie, via Volvo-Suède et Volvo-Belgique, les 20.000 employés mondiaux, les 390.000 modèles annoncés pour cette année.
Depuis Mi-2008 donc, Li Shufu se bat, commis-voyageur de sa «boite», pour aplanir l’un après l’autre les ornières du chemin. Problème culturel d’abord, avec le risque pour Geely de «rater» l’intégration du suédois à sa maison chinoise, par trop d’interventionnisme, erreur qui fut celle de SAIC reprenant la majorité du coréen Ssanyong. Li Shufu fait tout pour convaincre que la leçon a été apprise: « nous aurons des relations de frères, pas de père à fils », Volvo restera à Gøteborg, chaque marque produisant sur son sol. N’empêche qu’une usine Volvo à 0,9MM$ ouvrira à Pékin, Chengdu ou Tianjin. Car selon le diagnostic de Li, Volvo a périclité, malgré une technologie hors pair, faute d’un débit suffisant pour absorber le coût de sa R&D presque égale à Daimler ou à BMW.
Il fallait aussi régler le sort des précédentes alliances. Pour « un temps indéterminé », Ford continuera à livrer ses plateformes à Volvo, lequel lui poursuivra ses fournitures de pièces.
De même, Chang’An-Mazda garde un sursis pour sa production de S40 et S80L. « Geely honorera les contrats antérieurs », résume Li : y compris la responsabilité sur le fonds de pension, détail essentiel pour que « prenne la colle » avec cette maison emblème de la social-démocratie industrielle à la suédoise.
Moyennant toutes ces concessions, Geely se donne les moyens d’intégrer la qualité à son atout de base, le low cost, et de réussir enfin ses crash-tests, lui ouvrant les portes de l’Europe et de l’Amérique. Tandis que Volvo se voit ouvrir celles de la Chine, où Li prétend écouler 200.000 Volvo sous peu d’années, boosté par une arme secrète : sinisée par son rachat, la marque sera inscrite au livre des commandes publiques chinoises. Moyennant quoi dès 2011, les déficits du groupe, annuels depuis 2005, devraient être de l’histoire ancienne!
Sommaire N° 13