L’éternel litige entre Chine et Etats-Unis sur la valeur du Yuan s’exacerbe à nouveau. L’Economic Policy Institute accuse l’Empire du Milieu d’avoir brisé 2,4M d’emplois yankee de 2001 à 2008, et porté le déficit bilatéral de 83MM$ à 226MM$ (2001-2009) par le jeu d’une monnaie sous-évaluée de 25 à 40%, et d’une loi laxiste en protection sociale et en environnement. Associant le prix Nobel d’économie P. Krugman et 130 sénateurs américains, une campagne fait pression sur Washington pour qu’ils décrètent, le 15/ 04, la Chine « manipulateur monétaire » et taxer les importations chinoises.
Il faut dire que la stratégie chinoise anticrise, apparaissant enfin dans son intégralité, fait froncer bien des sourcils. En plus des 400MM² de stimulus de l’an passé, du retour aux subventions à l’export et du blocage du taux du yuan au dollar depuis l’été 2008, la Chine a introduit un nouvel instrument : le CCC (Chinese compulsory certificate), système de certification de tout produit étranger, coûteux et long. Son but officiel: en étalonner la dose d’«innovation: indigène». Son effet: retarder ou interdire son entrée en Chine. Le résultat est spectaculaire : à l’American Chamber of Commerce in China, 38% des firmes membres se ressentent «pas bienvenues» dans le pays, écartées des contrats d’équipement—elles étaient 23% en 2008. 57% d’entre elles prévoient un recul de leurs affaires à l’introduction (d’ici l’été) de ce mécanisme. Et 37% d’entre elles en pâtissent dès maintenant—du fait d’une application anticipée par les provinces les plus enthousiastement protectionnistes.
Pour l’Union Européenne, l’ambassadeur Serge Abou arrive à la même conclusion d’une discrimination « pour les PME ». Mais côté USA, ce sont les plus grands groupes qui se plaignent, tels Microsoft, Adobe ou Cisco.
La Chine se défend, affirmant que ses mesures «équitables» sont aussi imposées aux produits locaux. Chen Deming ministre du commerce assure qu’en cas de taxes compensatoires US, son pays ne restera pas les bras croisés. Mais les autorités, inquiètes de cette levée de boucliers, multiplient les gestes pour faire baisser la tension. Wen Jiabao le 1er ministre rencontre (22/03) un groupe d’hommes d’affaires étrangers. Le départ de Google est qualifié de «cas commercial individuel».
Les 24-26/03, Zhong Shan n°2 du Ministère du commerce se rend aux USA pour négocier. Mi-avril, Hu Jintao irait à l’ONU pour un sommet nucléaire. Tous les soucis, assure la Chine, devraient être réglés lors d’un sommet stratégique en mai.
Enfin la rumeur court d’une concession que Pékin refusait jusqu’ alors:laisser passer au conseil de sécurité, par son abstention, les prochaines sanctions de l’ONU contre l’Iran…
NDRC: le reproche de manipulation monétaire est infondé, ignorant la tendance planétaire de déplacement des flux de l’Ouest vers l’Est et le profit que tire le citoyen euro-américain de ces produits moins chers. Les reproches protectionnistes sont davantage légitimes- mais une Chine déchirée ne serait l’intérêt de personne. Enfin, le ton très vif de part et d’autre, reflète aussi la campagne de succession en Chine, dont la marge de manoeuvre est limitée.
Sommaire N° 12