Editorial : Google, Rio Tinto : deux affaires phares

Le 23/03, jour du dénouement, l’affaire Google prit un tour inattendu—le groupe de Mountain View «coupant la poire en deux» annonçait qu’il partait, tout en restant. Or ce même jour, à Shanghai, le procès Stern Hu de Rio Tinto réservait lui aussi sa dose de surprise. Considérées ensemble, ces péripéties nous offre un reflet sans doute fidèle des coulisses du pouvoir !

[1] Google.cn en chinois déménage… à Hong Kong (google.hk). Ce faisant, il tient sa parole de ne plus contribuer à l’avenir à la censure. Conservant ses bureaux à Pékin, ses 600 employés dont 300 chercheurs, il adresse un message de fidélité à son public, tout en réservant l’avenir.

Amer, le régime taxe l’attitude de Google d’«entièrement erronée»: c’est que ce lâchage lui coûte une sévère perte d’image, intérieure et extérieure, surtout après neuf semaines de tentative de conciliation. David Drummond, chef juriste du groupe, affirme que la mainmise publique sur la toile, trop alourdie depuis les JO, aurait été la cause profonde du départ.

NB:ceci force l’Occident à ouvrir les yeux sur des années d’illusions, que le régime se libéraliserait en douceur sous la politique d’ouverture de Deng: la voie que la Chine est en train de s’inventer, n’est pas celle de l’Ouest.

[2] Au procès de Stern Hu et de trois de ses agents, une 1ère partie avait été ouverte au public: le temps de permettre aux accusés, en un pur coup de théâtre dans la tradition stalinienne, l’aveu improbable d’avoir pris et reçu des bakchichs en échange de secrets commerciaux. Jusqu’alors il se disait que ce cadre australien aurait dérangé le tout puissant «club de Shanghai» en bavardant sur les imposants profits «gris» du marché du minerai importé. Ces aveux permettent à l’Etat de légitimer son dossier. En échange, Hu pouvait espérer l’expulsion, une fois condamné, 5 ans minimum, (verdict d’ici mi-avril). Canberra, en tout cas, a noté le huis clos sur la 2de phase du procès, interdisant toute transparence et reniant l’accord judiciaire bilatéral.

On suit encore l’inattendue lune de miel entre Rio et Chinalco, dont la bisbille en 2009 avait contribué à faire arrêter l’Australien. Rio offre et Chinalco accepte des participations dans deux de ses mines, en Guinée (mine de fer où Chinalco met 1,35MM$) et en Mongolie (mine or et cuivre)…

——————

Affaire Google, procès Stern Hu : ces incidents ont suscité une réaction dure de Pékin, sans doute au détriment des relations extérieures. On peut soupçonner que Pékin a plus subi que choisi ses réponses. En l’affaire Stern, l’intérêt local peut avoir prévalu sur le général, au nom de la discipline du Parti. Sur Google, un consensus est perceptible, pour défendre un outil de pouvoir essentiel—mais qui sert aussi à couvrir des dérives locales.

Tout ceci semble confirmer le sentiment déjà présent lors du Plenum (avec son blocage face à toute réforme) d’une guerre de succession et d’un Congrès de 2012 déjà en filigrane, surgelant la vie politique du pays. L’apparente unité du Parti communiste chinois cache trois factions, et trois candidats: la Ligue de la jeunesse, fief de Hu Jintao avec son poulain Li Keqiang, le groupe de Shanghai de Jiang Zemin (dauphin Xi Jinping), l’outsider gang des petits princes, fils d’apparatchiks menés par Bo Xilai.

Depuis 2008, Xi est l’héritier désigné. Mais après l’échec de son élévation à la Commission militaire chinoise fin 2009, Li refait son retard, tout comme Bo fort de sa popularité lors du Plenum. En somme, toutes les cartes sont rebattues, toutes les réformes bloquées. Il ne reste que la course aux thèmes nationalistes et à la tolérance zéro, qui sont les ressorts de ces deux affaires. Mais finalement, ces rivalités affaiblissent le pays face à l’étranger, en nuisant à son image… Tel est le prix -politique- à payer par la Chine, de la crise mondiale !

 

 

Avez-vous aimé cet article ?
Note des lecteurs:
0/5
9 de Votes
Ecrire un commentaire