Le 19/10 dans l’Océan indien, le vraquier De Xin Hai, sous pavillon de la Cosco (China Ocean Shipping Corporation) lançait un SOS : avec 25 hommes à bord, il venait d’être arraisonné par des pirates à 1300km au large de la Somalie. Aussitôt, la Chine annonçait, à grande fanfare, la poursuite du navire par ses trois vaisseaux militaires opérant dans le golfe d’Aden. Puis, peu après, ce fut le silence.
Pourquoi? Les pirates avaient menacé d’exécuter les hommes un à un, si la marine chinoise insistait. A l’époque, les bandits exigeaient 3,5M$. Quatre mois passèrent, suite à quoi, le 21/12, sur le pont du navire bloqué en rade, un hélicoptère d’un pays inconnu hélitreuilla un sac contenant 4M$ : montant de la dernière exigence des pirates, à laquelle la Cosco avait dû se plier pour récupérer ses hommes et son bateau, aussitôt placé, un peu tard, sous protection de la flotte chinoise.
Les pirates venaient de battre leur record de rançon- précédent probable pour tenter d’extorquer davantage à l’avenir. La Chine constatait que sa solution (patrouiller en solitaire dans le seul golfe d’Aden) ne suffisait pas : c’est tout l’océan indien, jusqu’à 1500km des côtes, qu’il fallait protéger, avec les autres nations maritimes !
Aussi la marine chinoise, depuis, explore de nouvelles idées. En 2008, avant d’envoyer sa flotte au golfe d’Aden, l’Etat major de l’APL (armée populaire de libération) avait fait décrire le projet par plusieurs media civils, comme s’il s’agissait d’une idée de journaliste— « et si on envoyait notre marine là bas »…
Ainsi en novembre, la presse relayait la suggestion de l’expert Yin Gang (et du ministère de la défense) que les 5000km de côte à balayer soient divisés en zones nationales, et que la marine chinoise en reçoive une. Chez les 18 nations actives (40 navires) dans cette guerre aux pirates, l’offre causa un tollé immédiat. Selon Rory Medcalf, de l’Institut Lowy, elle sonnerait le glas de l’aspect international et indivisible des mers du globe, et la fin de toute coopération multilatérale.
Autre tentative chinoise, plus récente : le 30/12, Yin Zhuo, contre-amiral en retraite, suggère la création de bases logistiques dans la zone, pour faciliter maintenance et réapprovisionnement de ses bâtiments loin de ses côtes. Yin Zhuo estimait que «les pays voisins et les nations maritimes pourraient comprendre». La suggestion était immédiatement démentie par le ministère, sans doute pour rassurer les autres pays pavillons sur les intentions pacifiques de la Chine. Les bases guignées pourraient être Gadwar (Pakistan) où Pékin a déjà investi 200M$, voire Dar Es Salaam (Tanzanie), relooké par Hutchison Whampoa, de Li Ka-shing, le magnat hongkongais proche du pouvoir chinois…
De ces petits pas vers une position de puissance maritime militaire, on en saura peut-être plus en février, quand la Chine assumera la présidence tournante du Conseil de Sécurité de l’ONU. Déjà frappe dans ce dossier une évidente contradiction, héritage d’une idéologie rigide: d’une part, l’envie manifeste d’entrer dans une coopération militaire avec l’étranger, et de l’autre, la grande réticence à le faire, en se pliant aux règles de l’étranger.
Sommaire N° 1