Temps fort : Un trop ‘big apple’ pour Coca-Cola

Un peu imprudents, avec d’autres analystes, nous prédisions au n°8 du VdlC un feu vert imminent du  Ministère du commerce (MoC), pour le rachat de Huiyuan par Coca-Cola. Pour le n°1 du jus de fruits chinois, le Goliath des petites bulles offrait 2,4MM$ (en sus des 2MM$ qu’il va investir en Chine d’ici 2014), son réseau mondial, et son savoir faire. Pour Huiyuan, c’était la renaissance, de quoi faire jaillir l’export, recruter des centaines de milliers de fermiers et d’ouvriers de plus : pour la Chine, que des avantages!

Mais nous avions tous tort. Le 18/03, le Ministère du commerce donnait sa réponse: c’était «bu»  (« non »), et Coca-Cola devenait la 1ère victime de la loi antitrust de 2008.

Les conséquences sont fortes. Ainsi, la Chine vient s’ajouter à l’Union Européenne et aux USA, comme un des lieux au monde qui fait et défait les fusions globales. Au nom de la lutte anti-monopoles, le Ministère du commerce se permet de juger toute fusion de firmes aux ventes supérieures à 1,5MM$/an, et celles en Chine, à 50M$/an. Autrement dit, peu de grandes transactions mondiales lui échappent désormais !

Jusqu’à présent, il n’a pas abusé de la situation. Sur 40 fusions étudiées, il en a validé 24 dont celle des N°1 et 2 de la bière Anheuser/Inbev pour 52MM$. Ce qui n’empêche l’étranger, suite à ce veto à Coca-Cola, de crier au protectionnisme. Pékin dément. Avec 40% du marché chinois du jus de fruit, dans une Chine assurant 50% de la production mondiale de fruits, Coca-Cola renforcé de Huiyuan devenait un cartel à lui seul, en Chine et dans le monde.

Au reste, il n’est pas sûr que le groupe d’Atlanta pleure cette perte. Car s’il rate une occasion de laisser loin derrière, en Chine, le rival Pepsi, (ce qui a pu aussi, au Ministère du commerce, être en argument en faveur du refus), il évite un deal contesté en interne : afin de séduire le Ministère du commerce, il avait offert un prix de rachat beaucoup trop haut. Or, la crise était en train de baisser la valeur de Huiyuan, autant que son propre accès au crédit…

Reste un point où le Ministère du commerce reste critiquable : il refuse à Coca-Cola ce rachat à 2,4MM$ sur son sol, mais n’hésite pas, en même temps, à revendiquer une reprise huit fois plus haute en Australie (18% de Rio Tinto par Chinalco, pour 19,5MM$): il y a là un «2 poids, 2 mesures» qui choque -en Australie même. L’affaire Rio Tinto est ressentie comme stratégique, destinée à capter des ressources hors frontières: aux limites du monde commercial. Le Sénat australien lance un audit, qui a trois mois pour remettre ses «recommandations». Mais symboliquement, c’est 48h plus tôt que le ministre du Trésor tranchera, en toute indépendance. S’il suivait Pékin dans son refus, il risquerait d’entraîner Rio Tinto dans la faillite, faute de pouvoir trouver ailleurs à combler son énorme trou de caisse. Il compromettrait aussi l’accord de libre échange en cours de peaufinage avec Pékin. L’affaire semble donc en bonne voie -mais cette fois, ne parions plus rien : chat échaudé craint l’eau froide !

 

 

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