Economie : santé, température
Comme depuis cinq mois, l’investissement étranger a reculé en janvier-février : de 26%, à 13MM$. Souvent secrètes, les fermetures d’usines, même étrangères, même au nord du pays, se multiplient, assorties de violences (bris de matériel, occupations, manifs…). Le nombre de firmes étrangères nouvelles atteignit 2761, soit un recul de 37%.
Le monde fermier se retrouve en surproduction de fruits et légumes, de porc, d’huile et de céréales, dont la récolte d’été 2009 baissera de 3 à 4%. Autre tendance : en février, les prix de gros ont reculé de 6%. L’indice des prix à la consommation qui avait monté de 8,7% en février 2008, vient de virer au négatif, à -1,6%, sanctionnant une déflation inévitable – Wen Jiabao, le 1er ministre, espère la contenir à 4% dans l’année. Les bonnes nouvelles sont rares : Huaneng, 1er électricien, annonce des profits après 7 mois de pertes, portés par l’effondrement des cours du charbon, et par une consommation des usagers qui vient de cesser de décroître.
La sidérurgie est en enfer : pour l’Etat, comme dans le cas de l’immobilier, c’est un don du ciel, qui lui offre sur un plateau ce que le secteur (avec la complicité des provinces) conspirait à lui refuser depuis 10 ans : la fermeture des surcapacités, la fusion en 10 groupes de 30Mt/an de capacité moyenne. A tout le moins, cette aciérie chinoise accuse 30% de surcapacité, pour 100Mt/an. Shan Shanghua, Secrétaire général de l’interprofession, croit que l’export perdra cette année 80%. Etranglés par le tarissement des crédits du partenaire, les fondeurs privés qui s’étaient «acoquinés» à l’étranger, voient comme leur meilleure chance de survie, la fusion dans un groupe d’Etat. De la sorte, les 10 majors ont vu leur part du marché intérieur monter de 29% en 2007 à 42% aujourd’hui. Ils visent les 70%, cap qui leur permettra de contrôler les prix.
Ailleurs, les ministères travaillent dur à maintenir leurs secteurs à flot. Pour dépanner les producteurs de caoutchouc (naturel ou chimique), la réserve nationale stocke de 50 à 80.000t, 14% de la récolte de 2008. Le Ministère du commerce crée une chaîne de marchés d’occasion, assortis de labels et de professionnels qualifiés, pour relancer la consommation sur toute la chaîne. Une bourse nationale du Copyright s’ouvre le 16/02 à Pékin, concentrant tous les services (enregistrement, licence d’exploitation, cession). L’enregistrement de firmes est simplifié, accéléré, délocalisé – jusqu’à 100M$, sans passer par le ministère. Enfin en bourse, la crise permet un grand nettoyage chez les courtiers. Jusqu’à hier, la tutelle CSRC avait feint d’ignorer que 50.000 des 80.000 agents n’avaient pas le diplôme requis: dès avril, seuls les diplômés pourront travailler, et encore, pour une seule firme à la fois, histoire de renforcer une confiance bien ternie.
China Mobile : le temps du pain noir
Son gigantisme (464M des 640M de Chinois abonnés au portable) n’empêche pas China Mobile de souffrir dans la tourmente -comme tout le monde. Mais sa « douleur » n’est pas forcément tout à fait naturelle : plutôt injectée, comme en laboratoire, pas son autorité de tutelle, le MIIT (MIIT: Ministère des Industries et des technologies de l’Information). Les profits chutent par la baisse de consommation, et par le gain de nouveaux abonnés en milieu rural, moins fortunés.
Mais China Mobile pâtit d’avoir reçu du MIIT « le baiser qui tue » : le plus mauvais des trois système 3G, celui de mouture locale, tandis que China Telecom recevait l’Américain et China Unicom l’européen, aux années d’avance en technique et en applications. Ainsi, Mobile devra investir, sur ce marché de l’avenir, des dizaines de MM¥ pour une technologie qui ne marche pas. Autre ennui, le MIIT a imposé à China Mobile de fermer son service de portables bas de gamme, populaire en milieu rural, mais qui interférait sur les fréquences du 3G. Tout ceci fait que les profits du 4. trimestre, juste publiés, n’atteignent que +11% sur l’an dernier (à 4,4MM$) : pire bilan en 4 ans. Aussi, sa tentative de lever 4MMHK$ de fonds en bourse de Hong Kong (19/03) s’est soldée par un échec.
La racine de ces pertes traduit en partie un choix d’handicaper cet Etat dans l’Etat, laisser leur chance aux nouveaux venus China Telecom et China Unicom. Il s’agit de créer la concurrence pour le bonheur du consommateur, et pour garder fermée la porte aux opérateurs étrangers. Pour autant, le MIIT protège quand même China Mobile, par cette subvention de 13% aux fermiers sur tout achat d’électronique dans 14 provinces.
C’est par ce temps d’orage, que China Mobile se «découvre» un problème: l’explosion du volume des SMS, 607MM échangés en 2008, 100MM de plus qu’en 2007. Or, une bonne part de ces SMS consiste en messages indésirés, facturés en partie à l’usager. Au départ du Shandong et de Hainan, une collusion lie les branches locales de China Mobile et certains fournisseurs de services, tel le géant publicitaire Focus-Media. Elles leur vendaient les fiches des abonnés, permettant l’envoi de jusqu’à 15.000 « spam » à la minute pour un seul émetteur. Le MIIT a donné l’ordre à China Mobile de faire le ménage, a fermé lui-même 14.000 sources de spam, et puni 300 entreprises coupables.
Ce grand nettoyage de printemps est probablement dans l’intérêt bien compris de China Mobile. L’avenir des télécom, est dans le «packaging» de services entre téléphones (lignes fixe et portable) et internet. China Mobile garde des atouts dominants, telle l’ouverture, en cours de négociation, du réseau I-Phone, aux 15.000 services payants ou gratuits. Mais pour réussir, il lui faut amender ses mauvaises habitudes—vite !
NB : China Mobile doit regretter de n’être pas rentré plus tôt en bourse de Shanghai – il considérait le HKSE, la bourse de Hong Kong bien plus rémunérateur. Aujourd’hui, il rappelle sa « volonté d’y aller, mais sans échéance fixée». Mais les temps ne sont plus favorables.
Le Yangtzé centripète
Dans le Delta du Yangtzé les plaintes des riverains et son coût élevé (4,5MM$) ont tué le projet de Maglev Shanghai-Hangzhou qui aurait dû tourner en 2010 à 450km/h, desservant l’Exposition universelle. Mais Shanghai, Hangzhou et Nankin seront reliées en TGV, mettant chacune à moins d’une heure. de l’autre, moyennant 3,5MM$ payés pour moitié par Pékin. Baosteel qui fournit les rails, prend 8% du réseau. Grâce au triangle ferroviaire, le delta poursuivra une croissance autocentrée.
Plus à l’Ouest, Shanghai Int’l Port (SIPG) est obligé de lâcher ses parts des ports sur le fleuve : Wuhan, le terminal conteneur de Cuntan (Chongqing), Yichang, Wanzhou, Anqing. Ces villes veulent recouvrer la souveraineté sur leurs ports, les rééquiper en lourd, attirer les investissements industriels, ce qui n’était pas (au contraire!) le problème de Shanghai. Wuhan espère 150M² pour son port multifonctions, Wanzhou (Chongqing) 120M². C’est ainsi que Delta via son TGV, le haut Yangtzé via ses ports, réorientent leurs développement sur leurs marchés locaux, chassant tout autre acteur, et reculent l’intégration d’un grand marché national.
Sommaire N° 9