Editorial : Taiwan surfe vers la Chine

Tandis que la semaine voit s’achever la session annuelle de l’ANP, d’extraordinaires re-mises en cause ont lieu sur l’autre bord du détroit de Taiwan, au tempo inouï : un raz-de-marée semble balayer 60 ans de positions raidies dans la résistance à la Chine.

Bref rappel : depuis décembre 2001, le parti autonomiste DPP régnait, porté au pouvoir par une majorité d’insulaires d’ethnie Hakka et Min-nan rêvant d’indépendance. Mais la crise économique, la vigilance sourcilleuse de la Chine et sans doute aussi, l’incompétence de l’équipe dirigeante autour du Président Chen Shui-bian, ont ramené l’île à ses réalités: au fait que son sort est lié (ne serait-ce que par la géographie) à la nation chinoise.

Aussi le cabinet nationaliste (KMT) de Ma Ying-jeou,    aux affaires depuis mai 2008, tente la démarche inverse: il s’applique à gérer l’inévitable, et à négocier avec Pékin  le meilleur accord, avec pour seules limites, la sauvegarde de la souveraineté insulaire et la capacité d’acceptation des concitoyens. Les liaisons directes sont déjà rétablies, postales, maritimes, aériennes, voire routières: un viaduc est « en route » entre la chinoise Xiamen et les îlots taiwanais de Qinmen. A présent, Ma veut négocier un traité commercial préférentiel -Pékin est déjà prêt à lui offrir en échange son siège à l’OMS et son accord de libre échange avec l’Asie du Sud-Est (ASEAN).

Ma prépare aussi un tout aussi ambitieux organe de contact entre les deux armées : par une reconquête de la «confiance mutuelle», il veut éliminer les «secteurs malsains dans les relations bilatérales» (sic), les 1500 têtes de missiles pointées vers l’île, dont le nombre augmente toujours. Une fois ces objectifs atteints, Ma vise l’ultime but et l’oeuvre de sa vie, le traité de paix. Tandis que la réunification, si jamais, serait pour «au moins 30 ans après». Mais quel progrès par rapport à 10 ans en arrière où, sur Qinmen, on me montrait fièrement la ligne Maginot locale, dressée dans l’attente de « l’ennemi » !

L’opposition même se retrouve entraînée dans cette irrésistible dérive. Subtilement, le PCC offre soudain de faire inviter à Pékin, Annette Lu, l’ex-vice Présidente indépendantiste—une de ses ex-bêtes noires d’hier. L’invitation vient de la CCPPC, l’instance consultative, et est formellement libellée au nom de la Présidente… du journal Formosa Post, que  Mme Lu est sur le point de lancer : manière créative de contourner les problèmes de droit international. Or face à ce ballon d’essai, les réactions au sein du DPP révèlent une ouverture d’esprit inattendue: invité à faire connaissance, le DPP pour l’instant encore sur la touche, semble prêt à dire «banco»!

Seul dans sa prison (depuis décembre, accusé d’extorsion, abus de pouvoir et autres chefs qui pourraient lui valoir la perpétuité), Chen Shui-bian milite pour la création d’un nouveau parti « de l’indépendance ». Mais la proposition semble un « hurlement dans le désert », et n’être qu’une stratégie illusoire pour se protéger de la justice. Voire le refus désespéré d’atterrir d’un rêve sans fruit : d’admettre le ratage du pari de toute sa vie…

 

 

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