Depuis dix ans, Christie’s, le groupe d’enchères du milliardaire français François Pinault présentait régulièrement à Pékin des pièces chinoises antiques, avant mise en vente à Hong Kong. L’exposition était organisée par Forever International, son partenaire local : sous lumière tamisée, dans le cadre sécurisé de l’hôtel Kunlun, les amateurs pouvaient admirer des chefs d’oeuvres rares, jades, céramiques ou toiles Ming ou Qing.
Mais après la vente à Paris de bronzes à l’effigie d’un rat et d’un lapin, le 25/02, les choses risquent de changer. L’administration chinoise du patrimoine (ACP) a annoncé des contrôles plus sévères sur les transferts d’oeuvres d’art, ceux de Christie’s en particulier, dont « les affaires en Chine souffriront sérieusement à l’avenir » (sic).
En effet, la Chine se sent prête à soulever un fameux lièvre (si l’on peut dire), en questionnant la légalité des titres sur toutes les oeuvres sorties du pays depuis le XIX. siècle en contrebande. Elle doit le faire, pour trois raisons : [1] Le patriotisme en plein effervescence dans cette nation jeune et émergente, qui considère ces ventes comme des provocations et un rappel de l’humiliante période de la néo-colonisation. Un indice parmi cent : ce jeu internet (http://2800.p0808.com) visité par 454.000 Chinois -voir photo ci-contre. [2] La masse croissante de ces exportations au noir, poursuivies aujourd’hui même -tombes et sites archéo- ou paléontologiques, sont fouillés par des paysans pour le compte de marchands d’art. [3] Les cours du marché se sont envolés en dix ans, notamment par la demande de la diaspora et des nouvelles fortunes chinoises.
Tournant commercial et politique : Pékin s’apprête à imposer une plus forte pression sur les autres nations, pour réguler plus sévèrement les flux des reliques. Dès janvier, les Etats-Unis se sont engagés à interdire l’import de toute oeuvre antérieure aux Tang (907 après JC), sauf dotée de titres légaux. Discrètement, en coulisses, l’ACP négocie avec tous les Etats du monde le rapatriement de certaines oeuvres. Pour l’instant sans succès, vu la crainte, chez les nations riches, de l’effet « boule de neige », de demandes de pays comme la Grèce, l’Egypte, l’Iraq ou le Mexique.
Voyant venir la vague, des maisons d’enchères s’inquiètent, parlent de « s’autoréguler » – par exemple, en se dotant de critères d’évaluation du risque politique de telle ou telle mise en vente. Ne serait-ce que pour protéger un marché mondial de l’art qui valait 54MM$ l’an passé, et leur image éclaboussée après le sabotage de l’enchère des deux bronzes par Cai Mingchao, lui-même marchand d’art. Aux dernières nouvelles, Cai qui semble avoir agi de son propre gré, regrette son coup de tête qui le grille à jamais dans son milieu. Quant aux deux bronzes, dit Pierre Bergé, le propriétaire par qui le scandale arriva, « ils resteront chez moi – nous continuerons à vivre ensemble» – indifférents au chaos qu’ils auront contribué à faire éclater sur le marché mondial de l’art !
La marmite chauffe, pour Coca-Cola
L’offre de reprise de Huiyuan par Coca-Cola échoit le 23/03 : Coca propose 2,4MM$ pour le rachat amical du n°1 des jus de fruits (42% du marché), dont il multipliera les emplois et les exportations, grâce à son réseau mondial de vente. Or, voilà que Coca-Cola double la mise, à grand fracas, annonçant 2MM$ d’investissement dans ses opérations chinoises (soit plus du double de ce qu’il a déboursé en 30 ans en ce pays). Le 6/03, il ouvre aussi un centre d’innovation technologique à60M$ à Shanghai… La difficulté pour la Chine, est de concilier cette concentration avec la loi des monopoles : Coke pèse déjà 56% du marché chinois des boissons gazeuses. Mais Coke a pris soin d’offrir un prix généreux, ostensiblement supérieur au prix du marché. Pékin doit aussi mettre sur de bons rails sa coopération avec Obama. Enfin, des groupes chinois veulent aussi s’étendre à l’étranger, comme Sinalco qui prétend reprendre pour 19,5MM$, 18% de Rio Tinto : autant d’arguments qui laissent présager que le groupe d’Atlanta n’a pas trop à redouter…
Sommaire N° 8