Editorial : La crise est dans les champs, aussi

A peine tempérée par une ou deux ondées tardives (12/02), la plus violente sécheresse en 50 ans force le régime socialiste à décréter (5/02) l’état d’urgence sur le centre et nord du pays, pour sauver la récolte d’hiver. Le Président Hu Jintao édicte la mobilisation générale des ressources publiques. Le 1er ministre Wen Jiabao se montre le 8/02 à Yanbei (Henan), une lance d’arrosage en main, au milieu de quelques paysans, parmi les 4,4M privés d’eau…

Sur la gravité de cette crise, deux voix discordantes s’affrontent.

Selon la 1ère, «le ministère de l’agriculture aurait crié avant qu’on le batte», et exagéré les dégâts. Le mal viendrait surtout du refus des paysans d’arroser, car les silos et greniers à blé sont pleins. A demande faible, prix bas: les dernières enchères de grain importé n’ont pas trouvé preneur. Dans ces conditions, les pertes se limiteront à 2,5% de la récolte d’hiver.

Plus inquiétante, l’autre thèse dénonce, outre la sécheresse, la rouille du blé, capable d’éradiquer 40% de la récolte là où elle frappe. Au total, 20% de la récolte devrait être perdue. Évidemment d’accord avec cette lecture pessimiste, l’Etat est très inquiet.

Ordre a donc été donné à tous les niveaux de pouvoir, armée comprise, d’irriguer d’urgence -60% des 10M d’ha menacés l’ont déjà été. 5MM m3 sont relâchés des réservoirs dans le Fleuve Jaune au profit des régions sinistrées. Les 7 et 8/02, 2400 roquettes ont été tirées du sol ou par avion, pour inséminer les nuages au chlorure d’argent -technique chinoise. Le résultat a été médiocre, avec 0,5mm de précipitation dans le Henan, pas même de quoi  humecter la surface.

Comme souvent en cas d’impasse, Pékin fait son autocritique: un réseau d’irrigation mal tenu, faute d’investissement, et qui perd 70% de l’eau avant d’atteindre la plante ; un projet géant de canal Yangtzé – Fleuve Jaune qui a pris quatre ans de retard, au niveau  de Danjiangkou : il n’a pas créé à temps les dizaines de centres de retraitement des eaux usées, ni relogé 300.000 habitants chassés par l’extension du réservoir.

Aux grands maux, grands remèdes : 13MM² viennent d’être alloués en primes aux paysans, pour leur permettre d’acquérir des outillages d’irrigation plus efficaces. Si Pékin réagit si fort, c’est que l’écart de revenus entre ville et campagne s’est encore aggravé en 2008, avec 10.000¥ de différence, le citadin gagnant 3,36 fois plus que le paysan. Et avec 20M de bouches nouvelles à nourrir, une récolte ratée pourrait aboutir à un climat social incendiaire………………. 

Cette crise amène des leçons, sur les erreurs et les comportements à changer. La presse l’avoue, le nouveau Grand Canal ne sera pas la panacée. La solution consistera à «adapter l’homme à la nature et non l’inverse»: arrêter le gâchis d’une eau «socialiste, gratuite à volonté». L’Etat peaufine même un plan d’encouragement de transfert d’une partie du parc industriel de la côte vers les petites villes du centre et de l’ouest

Tout cela exprime un tournant mental «dans la douleur» —c’est à cela que servent les crises. Pour l’entrée de la Chine dans le mécanisme mondial de lutte contre le réchauffement global, à Copenhague dans 10 mois, c’est de très bon augure !

 

 

 

 

Avez-vous aimé cet article ?
Note des lecteurs:
0/5
9 de Votes
Ecrire un commentaire