Pol : Crispations, en grande pompe

Crispations, en grande pompe

Un peu trop tôt, la presse locale affichait le «succès complet» de la tournée européenne de Wen Jiabao, quand eut lieu le 2/02 le dérapage à sa conférence à Cambridge: réitérant le scénario joué à G.W. Bush à Bagdad, un étudiant (allemand) lança sa chaussure au 1er ministre, tout accusant le gouvernement de Gordon Brown de «se prostituer devant un dictateur». Wen Jiabao garda un calme glacial, se bornant à qualifier l’algarade de «coup bas », qui «ne parviendrait pas à ternir l’amitié bilatérale». Par voie officielle, Pékin protesta ensuite contre l’acte «méprisable». Les media chinois observèrent d’abord la censure, puis osèrent diffuser l’incident, 24h plus tard.

La Chine a vivement réagi à cette agression, car elle mettait en porte à faux sa stratégie de division des Européens en « bons » élèves (ceux que l’on visite), et en « mauvais » (ceux, telle la France, que punit par son absence). Or cette fois, la critique venait de deux « bons » à la fois – Royaume Uni pour le territoire, Allemagne pour le ressortissant. Pire, des millions de spectateurs chinois avaient pu constater en direct l’existence d’un réel problème d’image pour leur pays. Du coup, il devenait moins évident que la mission ait atteint son objectif, de rétablir la sérénité et le consensus !

L’incident intervient, alors que la Chine serre la vis à de nombreux dissidents. Dans les prisons et les résidences surveillées, des consignes semblent avoir été données pour priver les dissidents -mais pas les «droits communs»- de visites durant les fêtes. Tel Liu Xiaobo l’écrivain – un des auteurs de la « charte 2008 » qui réclame la démocratie. Tel Qin Yongmin, à Wuhan, qui, quoiqu’ayant purgé 11 ans sur les 12 de sa peine, n’a pu recevoir sa fille. Ou le professeur Guo Quan, interdit de parloir. En préventive depuis juin 2008, Huang Qi, l’avocat des familles du séisme du Sichuan, voit son procès retardé. … Hu Jia, (prix Sakharov du Parlement européen) et Gao Zhisheng, avocat des droits de l’homme, avaient été envisagés comme prix Nobel de la paix en 2008, et emprisonnés : Hu est privé de visites, Gao a « disparu ».

Manifestement, la répression exprime l’exaspération d’un régime assailli de problèmes aux dimensions rarement atteintes. Parmi ceux-ci, la récession mondiale, et sa traduction chinoise : la disparition des emplois, les 26 millions de paysans montés à la ville puis retournés chômeurs au village. La pollution et le gâchis des matières premières. L’écart croissant des richesses entre milliardaires et va-nu-pieds, villes et campagnes, Chine «Jaune» et «Bleue». Face à ces déséquilibres, les revendications démocratiques apparaissent bien innocentes. Mais en cas de tempête, toute tolérance disparaît : à bord du navire socialiste, le capitaine, comme l’équipage, luttent pour la survie !

Lai Changxing, sauvé des eaux

Un peu par lassitude, un peu pour en finir, le bureau de l’immigration de Vancouver a octroyé à Lai Changxing, le plus célèbre des escrocs chinois, un permis de travail, après 10 ans de litige juridique : une décision non «politique  mais «opérationnelle», dit Jason Kenney, le ministre de tutelle. Lai Changxing avait défrayé la chronique à Xiamen, fin des années ’90, en important, pour près de 10MM$ de matériaux sans s’acquitter de droits de douane, y compris d’importants volumes de pétrole, qui à l’époque ne coûtait que 20$/baril hors Chine, bien plus cher dans le pays. Quand le 1er ministre Zhu Rongji avait décidé de l’arrêter en 1999, Lai avait pu trouver refuge au Canada. A Xiamen, l’affaire s’était soldée par 19 condamnations à mort.

L’octroi du permis de travail était inévitable, Lai s’affirmant sans ressources. Il pourrait donc être suivi d’un permis de résidence. Cette décision intérimaire confirme au passage, l’indépendance absolue du pouvoir judiciaire du pays à la feuille d’érable : Pékin qui réclamait avec insistance son retour, s’était même engagé à ne pas l’exécuter. Le gouvernement canadien avait refusé le droit d’asile -mais le juge avait interdit l’extradition, par crainte d’une exécution, non-conforme au droit canadien.

 

 

 

 

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