A la loupe : Yang Rong, revenant peu ordinaire

En 2002 Yang Rong, patron de Brilliance, groupe auto de Shenyang (Liaoning) fuyait aux USA sous le coup d’un mandat d’arrêt pour fraude, jamais dévoilée ensuite d’ailleurs. Génie industriel, Yang avait créé cette firme autour du minibus Jinbei, clone du Hiace de Toyota dont il vendait 60.000/an (leader national) et avait négocié l’alliance de BMW et lancé la Zhonghua, modèle de luxe. A peine en Californie, il attaquait la Chine en justice, pour spoliation. Sur de telles bases, qu’il puisse un jour retravailler au pays, semblait bien improbable…

Mais 7 ans après, Yang Rong appelle 10MM$ de capital chinois à sa filiale HKMC (44 fois sa propre mise). Trois groupes cotés en bourse sont déjà sélectionnés, aux noms encore secrets. Un accord est signé avec la SEUZ (Shenyang European Union Development Zone). Sur les 2km² fournis par la Zone, Yang s’engage à investir 1,5MM$ dans la production d’1M de moteurs hybrides, moteurs électriques et boites de vitesse, pour 1M de voitures/an. Si Pékin octroie la licence, Yang s’engage à mettre 1,5MM$ dans une usine de montage sur huit autres km² de la SEUZ. Outre les 3 investisseurs locaux, le venture capital américain fournira 33% des fonds initiaux. Production et vente seront assurées par une JV, qui paiera jusqu’à 500$ de commissions par voiture hybride.

Sur ce modèle, Yang Rong voit une croissance rapide de son affaire entre les 2 continents. Une usine à 1,5MM$ d’abord (5800 jobs) débutera en sept. à Baldwin (Alabama).D’ici 2020, 6 usines chinoises (3 de pièces, 3 de mon-tage) tourneraient en Chine, assurant 3M de véhicules.

On note le gigantisme des projets annoncés. Il reflète l’ aspect mégalomane du personnage, que nous découvrions en 2001 à Shenyang lors du lancement des 2 usines (Brilliance + BMW). Il répond aussi à la nécessité de convaincre Pékin d’octroyer une licence dans un secteur déjà presque réservé aux grands. Enfin, il offre la chance d’une économie d’échelle planétaire, permettant d’accélérer la maturation (design, R&D, qualité) d’un produit neuf sur un marché vierge, pour les cinq continents.

En dernière instance, le succès dépend du bon vouloir de Pékin. Le fait pour Yang Rong, d’avoir été repris par la région même qui l’avait chassé 7 ans plus tôt, est de bon augure, tout comme ces anonymes groupes investisseurs locaux qu’on imagine d’Etat, vu les ordres de grandeur.

Ce retournement peut s’expliquer aussi par la déchéance de Brilliance. A peine Yang Rong parti, le groupe qui avait alors tant d’atouts sur ses concurrents (son expérience productive, sa place en bourse de New York depuis 1992), a tout perdu dans la valse des PDG, la raréfaction des modèles (de faible qualité au demeurant), la chute à 2,3% du marché en 2009. Brilliance vient de céder sa Zhonghua, gouffre à dettes, et a dû subir l’humiliation de n’être pas retenu dans la botte des sept groupes publics destinés à reprendre les autres… Tout se passe comme si Pékin, à son habitude, votait pour ceux qui gagnent, et préparait un accueil du fils prodigue à Yang Rong qui, en 2002, se présentait en mutant et prend désormais autre figure -celle d’un revenant, après des années au froid !

 

 

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