Taiwan veut se laisser séduire par la Chine, mais à son rythme, en laissant aux citoyens le temps de «se rendre compte des avantages de l’ouverture». C’est la stratégie du Président Ma Yin-jeou, convaincu de la nécessité pour survivre, de normaliser, mais devant composer avec les peurs d’une population traumatisée par ses divisions et les incertitudes de l’avenir—dont 60% de la jeunesse, selon un sondage de la semaine, pense au suicide.
Trois accords financiers ont été signés le 16/11 par Sean Cheng et Liu Mingkang, patrons de la finance des deux rivages du détroit : base du futur ECFA (Economic Cooperation Framework Agreement) à ratifier en janvier par le Yuan Législatif (Parlement).
Grâce à une supervision bilatérale des mouvements financiers, ils entrouvriront les portes des prises de participation dans les banques, assurances et maisons de courtage respectives. Côté taiwanais, Fubon, Taishin et Cathay Financial sont déjà visés par des géants chinois tels Banque de Chine, China Construction Bank et ICBC. Tandis que leurs banques d’Etat Taiwan Cooperative, Hua Nan ou Chang Hwa, pourront ramifier leurs réseaux d’agences sur la terre ferme du Continent.
Les premiers rachats à Taiwan sont en cours d’approbation : la reprise partielle de Far EasTone par China Mobile pour 17,7MM NT$, le rachat total des assurances vie Nan Shan (filiale de AIG) par le consortium Hongkongais Primus Financial/China Strategic, pour 2,15MM$.
L’accord prévoit également pour janvier l’assouplissement des investissements dans les semi-conducteurs, et des bourses de Taipei et Shanghai -le droit d’y investir, sans autre précision. On ignore aussi quels tarifs douaniers seront coupés ou rognés. Même ainsi, la tendance est claire: la bourse de Taipei a bondi de 70% cette année, meilleur exercice depuis 1993.
Ce petit printemps en hiver s’étend au monde de l’éducation où le ministère taiwanais annonce pour la prochaine rentrée, l’ouverture de 2% des places d’études nationales aux étudiants des 41 universités chinoises reconnues par Taiwan—au grand dam de l’opposition du DPP (Parti démocratique progressiste) qui crie au risque de concurrence par ces jeunes continentaux, sur le marché insulaire de l’emploi en col blanc.
Même flux enthousiaste dans le trafic maritime, de Xiamen à l’île taiwanaise toute proche de Kinmen. L’excursion est si populaire que depuis la réouverture en 2001, 4,36M de Chinois l’ont faite, avec hausse de +40% sur 2008, profitant des 32 traversées journalières.
Enfin, le 17/11 à Taipei, en leurs délégations respectives se sont rencontrés Mme Kong Dongmei, apparatchik, et John Chiang, député. Sans en avoir l’air, c’étaient des retrouvailles chargée de symboles électriques, car les deux personnages se trouvaient être les petits-enfants de Mao Zedong et de Chiang Kaichek, rivaux à mort, de 1920 à 1950, pour la conquête du pays, en deux versions de la Chine, nationaliste ou stalinienne. Mais ainsi va la vie : Kong et Chiang, blasés, n’ont pas réagi — c’était de l’histoire ancienne !
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