A la loupe : Taiwan-Chine, fin de la lune de miel

18 mois d’embellie sino-taiwanaise sont inopinément enrayés.

Le 19/10 sans crier gare, Taibei reporte les palabres pour l’EFCA (Economic Framework Cooperation Agreement), futur traité commercial bilatéral, soi-disant pour se concentrer sur le vote du budget. En fait, le cabinet KMT de Ma Ying-jeou a perdu sa popularité, suite à sa faible réaction au terrible typhon de septembre. Baisse de cote renforcée par les actuels 6% de chômage, record auquel Taiwan n’est pas habitué. Joue surtout la déchirure de l’électorat, suite à la perpétuité infligée à Chen Shui-bian, l’ex-Président indépendantiste inculpé pour corruption… Ma repousse donc ce rendez-vous avec Pékin et promet, une fois le traité convenu, de le soumettre au Parlement: histoire de rassurer et de rassembler.

Mais le désamour envers Ma et la normalisation, est renforcé par des maladresses du rivage d’en face :

[1] Kao Koon-lian, de la Straits Exchange Foundation (l’instance du dialogue sino-taiwanais) reproche à Pékin d’être «peu malin» (sic) à boycotter Kaohsiung, parce qu’elle a reçu le Dalai Lama et projeté un film sur la Ouighoure R. Kadeer. Du coup, cette seconde ville de l’île perd chaque jour des milliers de touristes chinois—ce qui n’alimente pas le sentiment envers le continent.

[2] Ma s’impatiente de la poursuite chinoise de la course aux armements, notamment des 1300 missiles de courte portée, tactiques, balistiques et cruise pointés sur l’île (et toujours plus). «Si nous devons négocier un traité de paix, dit-il, il va falloir soit les ôter, soit les désarmer ». Dans un livre blanc (20/10), l’État-major accuse les « forces communistes » de « se préparer toujours à une guerre» et fait le point sur le danger «pour l’Asie» de cette Armée populaire de libération (APL) aux crédits quadruplés en 9 ans (48MM² cette année), à la capacité «logicielle» renforcée (soldats diplômés, cyber-armements, guerre psychologique). Conséquence confirmée par Ma Ying-jeou : Taiwan va commander un autre lot d’avions, radars, navires etc aux USA, pour rétablir la parité, tout en poursuivant la démobilisation de 385.000 soldats en 2004 à 215.000 en 2013. Dans le réarmement spectaculaire chinois, il faut bien noter la contradiction d’intérêts. Face à l’ambition de Pékin et du KMT de réunification, la course aux armements ne sert que l’APL, mais ni le Parti communiste chinois, ni Ma qui n’a d’autre choix que de se réarmer à son tour.

NB : En définitive, si le rapprochement marque le pas, c’est qu’en ces 18 mois de mandat de Ma Ying-jeou, les deux rivages ont épuisé toutes les voies de rapprochement à leur portée pour l’instant. Sur le terrain, le macrocosme chinois et le microcosme taïwanais sont deux univers que tout continue à opposer- sauf la langue.

 

 

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