Temps fort : Qui nettoie la mafia à Chongqing?

En 2000 les sociétés noires (黑社会, heishehui) comptaient 1 million de malfrats. En 2004, elles avaient triplé, rattrapant la Russie. En 2009, elles auraient 4200 syndicats et 4 millions d’émules selon le professeur Ming Xia (City University., NY). Le ressort de ce terrible succès, est l’incapacité des cadres à résister à leur noyautage. Cette faiblesse elle-même, est due à deux faits du système : la disparition de l’idéal socialiste, qui n’a pas été relayé par un esprit citoyen, et l’absence des outils de la stabilité des pays de l’Ouest—justice et presse indépendantes.

Dans ce contexte, la série de procès de Chongqing fait l’effet d’un tsunami dans la société chinoise, comparable dans l’histoire, à celui de la bande des Quatre, fin des années ’70. Pour commencer, cinq procès portent sur des dizaines d’accusés de meurtres (souvent horribles), d’extorsion sur tous les métiers (mines, chantiers, taxis…), de trafic de drogue, prostitution. Parmi ceux-ci, deux jumeaux de 23 ans, un élu local qui avait imposé une grève aux 8000 taxis en novembre 2008, le n°2 de la brigade des stupéfiants, une patronne de 20 salons de jeu clandestin (qui entretenait un harem de 16 jeunes gens pour ses besoins privés)…

Le cas hors du commun, est celui de Wen Qiang, ex-chef de la justice depuis 16 ans, qui rançonnait la ville (la patronne des tripots était sa belle-soeur). Wen est accusé de protection de cet univers du crime. Dès le 21, six bandits étaient condamnés à mort. 1544 cadres/bandits ont été arrêtés depuis l’été, dont 14 cadres du plus haut niveau. Il se passe quelque chose, comme si la ville ou le Parti avait décidé de terrasser ce chancre.

La presse prête ostensiblement le crédit de l’opération à Bo Xilai, nouveau «M. Propre». Il avait déjà quitté en pleine gloire un poste provincial à problème dans le Dongbei, secrétaire/maire de Dalian, puis gouverneur du Liaoning. Dynamique, aux capacités gestionnaires fortes, l’homme mérite sans doute ces compliments—mais on sait bien qu’en ce pays, le mérite n’est rien sans l’aval central. D’aucuns s’aventurent même à lui prédire un rôle majeur au sommet de l’Etat après 2012—quoique les rôles soient déjà distribués de longue date, Xi Jinping en tête (candidat du Parti) , voire Li Keqiang (l’homme de Hu Jintao).

Que se passe t’il donc? L’action prêtée à Bo, viole la règle de silence tacite respectée par Jiang Zemin puis Hu Jintao, au nom de la stabilité sociale. D’ailleurs, Bo Xilai vient de faire un étrange aveu dans la presse : il n’a pas « décidé » de le faire, mais y a été contraint par la croissance hyperbolique de cette mala vita.

Chongqing, d’autre part, a d’autres fers au feu. Une fois guérie de son fléau, elle veut lancer un plan de reconstruction «vert» et «durable» de sa métropole de 33M d’âmes, axé principalement sur la sécurité, la santé, reforestation et transports, les technologies de l’information et les énergies nouvelles. Ce plan pourrait devenir l’espoir de la Chine pauvre de l’intérieur. En 4 ans, selon le vice maire Huang Qifan, 100MM² devraient y être investis, la moitié aux frais de l’Etat, l’autre privée. Autant d’effets d’annonce faits pour remettre en selle Bo Xilai, le politicien qu’on disait hier le moins apprécié de l’appareil, et le plus par la jeunesse chinoise.

 

 

 

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