La plus grande parade de l’histoire est pour ce jeudi 1er octobre à Pékin (toute autre parade en province étant bannie), 60e anniversaire du régime. En 66 minutes, 7000 hommes exhiberont missiles, radars, tanks, pendant que 150 avions survoleront Pékin en rase-mottes, accompagnés d’hélicoptères. 200.000 jeunes suivront, exécutant un ballet de tableaux géants, tel l’étendard national. Coût de ce faste : 30M². De ce show, l’aspect le plus fort est sans conteste le militaire, 52 systèmes d’armes feront (à 90%) leur première apparition. Le ministre de la défense Liang Guanglie en conclut (contesté par l’étranger) que la Chine a rattrapé son retard sur l’Ouest et serait au point pour une guerre « à armes égales » sur terre, en mer et dans les airs.
Seul «hic» de cette fête: au nom de la sécurité, elle est réservée aux 400.000 caciques invités de tout le pays. Des précautions inouïes sont prises. Sur la route de la parade, les restaurants et commerces sont fermés. Les résidents ont reçu l’ordre de s’éloigner de leurs fenêtres et de s’abstenir de toute invitation. Depuis des semaines, tandis qu’apparaissent par dizaines de millions de pots de fleurs, disparaissent mendiants et chômeurs, renvoyés à leurs villages. Des centaines de milliers d’agents sont déployés aux carrefours, dans les gares y compris les «léopards des neiges» antigangs en cagoule et mitraillettes. Les routes sont barrées pour filtrer l’accès vers la capitale.
Durant le défilé, les commerces seront fermés, comme le trafic aérien au sens large. Depuis huit jours, le ciel est interdit à tout ce qui vole: ballons, parapentes, cerfs-volants, pigeons. On a même vu les couteaux de cuisine retirés de la vente, tandis qu’une campagne a permis de confisquer 53000 pétoires. Sur le Yangtzé le fret dangereux est banni.
Toutes ces mesures draconiennes expriment la hantise des attentats suicides d’extrémistes ouighours, tibétains ou citoyens ruinés. Si une bombe allait exploser en pleine fête, pour le régime, quelle perte de face! Or, le risque est réel: 10 jours plus tôt dans Pékin même, 3 désespérés ont frappé aveuglément dans une rue commerçante, tuant deux personnes, en blessant 12 (dont une Française). La tension provient de la crise qui a détruit 41 millions d’emplois chinois en un an. Elle pourrait être exacerbée par la censure écrasante, privant les gens de tout exutoire à leur désarroi.
La nervosité vient aussi d’un fait de culture locale. 60 ans, c’est le cycle des 12 signes astraux, conjugués aux 5 éléments. Le nouveau cycle, en ses premiers jours, est instable, imprévisible. C’est pour cela qu’il fallait au Parti communiste chinois une fête puissante: pour se rassurer.
Curieusement, lors de ce spectacle kitsch, la capitale se vide : des millions de Pékinois partent en vacances, vers la montagne ou la mer, mais aussi l’étranger, Paris, New York, Thaïlande…La tendance est normale, avec l’enrichissement, mais aussi exacerbée par la perspective de cette parade dont ils sont privés, et l’indigestion de propagande triomphaliste. Ils partent, pour ne revenir, qu’une fois la page tournée, le pays revenu aux réalités !
Sommaire N° 31