Trois milliards², 1200 hectares, 6000 résidents relogés : telle est la fiche d’identité de la base de Wenchang dans l’île tropicale de Hainan, qui devrait bouleverser le programme spatial chinois de l’après 2013.
Doté d’une capacité de tir d’une fusée par mois, Wenchang se revendique comme d’une philosophie distinctes du passé, des stations militaires de Taiyuan (Shanxi), Xichang (Sichuan) et Jiuquan (Gansu): elle sera civile, ouverte. Après 50 ans de tergiversation, la Chine ose poser une base dans son grand sud, en pleine mer, vulnérable à des attaques. Comme prix du risque, elle occupe un site à 19° de latitude nord, proche de l’Equateur. Depuis là, ses fusées actuelles porteront sur orbite géostationnaire 300kg de charge utile en plus, et ses satellites dureront 3 ans de mieux, grâce à l’épargne en fuel. Elle obtient aussi la facilité d’acheminer les fusées complètes par bateau, alors que jusqu’à présent elles voyageaient par étages séparés, sur camion.
Wenchang se combine avec d’autres outils ambitieux, comme le vecteur de nouvelle génération Longue Marche CZ-5, bien plus performant (25 tonnes). Il permettra à ses promoteurs de taquiner NASA, ESA et la concurrence russe pour transporter sur orbite, en « low cost » les satellites du tiers-monde. De déployer à moindre coût la 30aine de satellites de télécommunication de son futur réseau Beitou «Compass », le futur GPS chinois. Tous les genres de charges pourront être déployées : engins d’orbite polaire, d’exploration interstellaire, et même la station nationale spatiale. Car Pékin a fait son choix de ne pas coopérer avec le programme international, mais de développer son propre laboratoire de recherche dès 2013, appelé à se métamorphoser en station à part entière, multifonctionnelle et habitée en permanence en 2030.
C’est bien sûr aussi depuis Wenchang que les vaisseaux habités Shenzhou décolleront, poursuivant la série des trois lancements habités depuis 2003. L’alunissage d’un module habité serait pour 2017 voire 2020 (en tentant de battre de vitesse la mission américaine qui ferait son « come-back » sur la Lune, après 40 ans d’absence), et le programme chinois commence déjà à murmurer la possibilité d’une mission vers Mars.
Pour revenir à la vocation « civile » du site : Wenchang sera entouré de parcs à thèmes, d’hôtels de luxe, de plages et d’un jardin botanique composé de plantes modifiées dans l’espace: une manière comme une autre d’amortir les quelques 3MM² d’investissement de la base, mais qui dénote aussi d’un style nouveau : plus convivial, détendu, sûr de soi, sans doute plus à même de coopérer, à l’avenir, avec les autres grands programmes spatiaux de la planète bleue.
Sommaire N° 30